Vladimir Poutine a ordonné lundi 21 février à son armée d’entrer dans les territoires séparatistes de l’est de l’Ukraine après avoir reconnu leur indépendance, une décision qui pourrait entraîner une guerre avec Kiev.
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Deux décrets du président russe, signés après une allocution télévisée, reconnaissent les “républiques populaires” de Donetsk et Lougansk et demandent au ministère de la Défense que “les forces armées de la Russie (y assument) les fonctions de maintien de la paix”.
De ce déploiement militaire, ni calendrier ni information sur son éventuelle ampleur n’ont été précisés dans ces documents.
Dans une longue adresse télévisée, dans laquelle il a laissé apparaître des moments de colère, Vladimir Poutine a intimé à l’Ukraine de cesser immédiatement “ses opérations militaires” contre les séparatistes, au risque d’assumer “la responsabilité de la poursuite de l’effusion de sang”.
La Russie a quelque 150 000 soldats aux frontières de l’Ukraine selon l’Occident, laissant craindre une invasion d’ampleur.
Deux accords d’entraide entre Moscou et les sécessionnistes, d’une durée de dix ans, doivent être ratifiés par le Parlement russe mardi. Ils prévoient le déploiement “des unités militaires russes nécessaires au maintien de la paix dans la région et d’assurer une sécurité durable aux parties”.
Effrayant
“L’Ukraine qualifie les derniers actes de la Russie de violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de notre État”, a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une adresse à la nation, assurant que Kiev ne céderait pas “une parcelle” du pays et n’avait peur “de rien ni personne”.
Il a également appelé ses partenaires occidentaux à un soutien “clair” et “efficace”.
“Je suis choqué, j’ai beaucoup de famille à l’Est, je suis de Donetsk et je suis à Kiev depuis huit ans, et c’est l’information la plus effrayante en huit ans”, a réagi auprès de l’AFP un habitant de la capitale ukrainienne, Artem Ivachenko, cuisinier de 22 ans.
Ces décisions signent la fin d’un processus de paix sous médiation franco-allemande qui, bien que régulièrement violé, avait permis de stopper les affrontements les plus violents de ce conflit ayant fait plus de 14 000 morts depuis son déclenchement en 2014, après l’annexion de la Crimée par Moscou.
Par ailleurs, les États-Unis ont estimé à plusieurs reprises que Moscou pouvait lancer une opération de conquête pour prendre Kiev par la force.
“Violation flagrante”
Les États-Unis, l’Union européenne, tout comme l’Otan et Londres, ont dénoncé la décision du président russe et évoqué des sanctions.
Le président Joe Biden a réaffirmé à son homologue ukrainien “l’engagement des États-Unis” au respect de “l’intégrité territoriale de l’Ukraine” et promis des mesures “rapides” et “résolues“.
La présidence française a annoncé des sanctions prochaines de l’UE visant des entités et des individus russes. Et le Premier ministre britannique Boris Johnson veut décider mardi d’un “important paquet de sanctions”.
Les membres occidentaux du Conseil de sécurité de l’ONU ont demandé une réunion d’urgence de cette instance lundi soir. La session se tiendra à 21 h locales (2 h GMT mardi).
L’Europe et les États-Unis ont menacé ces dernières semaines Moscou de lourdes sanctions en cas d’agression militaire.
Les annonces de Vladimir Poutine interviennent à l’issue d’une journée qui a vu Moscou multiplier les accusations contre l’Ukraine, comme la destruction d’un poste frontalier par l’artillerie ukrainienne ou l’infiltration d’une équipe de “saboteurs” dont cinq membres auraient été tués.
Kiev a démenti en bloc ces affirmations qui, pour les Occidentaux, font partie des efforts de Moscou visant à créer un prétexte à une intervention militaire.
Poutine, le “paranoïaque”
Dans sa longue allocution télévisée, Vladimir Poutine a réitéré ses accusations infondées de “génocide” des Russes et russophones d’Ukraine.
Sur un ton professoral, il a donné une leçon d’histoire revisitée par le Kremlin, présentant l’Ukraine comme un pays artificiel et indissociable de la Russie.
La présidence française a dénoncé la “dérive idéologique” et le “discours paranoïaque” de Vladimir Poutine.
Jusqu’au bout, les Européens ont essayé de le dissuader de passer à l’action.
Emmanuel Macron avait tenté à nouveau dimanche soir de désamorcer la crise, espérant encore avoir arraché un sommet de la désescalade entre MM. Biden et Poutine. Le Kremlin a douché l’espoir lundi matin.
Les tensions, qui n’ont cessé de croître ces derniers mois, se sont encore aggravées depuis trois jours avec la recrudescence des heurts dans l’est de l’Ukraine entre forces de Kiev et les séparatistes.
Les observateurs de l’OSCE ont enregistré en 48 heures plus de 3 200 nouvelles violations de la trêve censée être en vigueur.
Lundi, Kiev a fait état de deux soldats et un civil ukrainiens tués.
Les rebelles ont compté trois civils ayant péri dans des bombardements ces dernières 24 heures.
La Russie a assuré lundi qu’au moins 61 000 personnes avaient été “évacuées” des zones séparatistes vers son territoire.
“C’est la guerre, la vraie”, estime Tatiana Nikoulina, 64 ans, qui fait partie de ces personnes acheminées de la région de Donetsk vers la ville russe de Taganrog.
Vladimir Poutine a aussi de nouveau incriminé les pays occidentaux, leur reprochant d’“utiliser l’Ukraine”, ce qui “représente une menace sérieuse, très grande pour nous”.
Les Russes se sont défendus de tout projet d’invasion de l’Ukraine, réclamant l’assurance que Kiev ne rejoindra jamais l’Otan et le retrait de l’alliance d’Europe de l’Est.