C’est un parcours de combattante. Dans sa promo en école d’ingénieur, Hadjer était la seule femme. Ses camarades n’avaient aucun problème à trouver un stage. Tous, sauf elle. “Ils postulaient, et au bout de 5, 10, maximum 15 candidatures, ils arrivaient à décrocher un entretien. On leur posait des questions sur leurs compétences, sur leur motivation, pas sur leur origine.” Pour valider son diplôme et trouver son stage de fin d’études, Hadjer a déposé 128 candidatures et a mis 14 mois avant de décrocher le précieux sésame. Et une question des employeurs revenait comme une ritournelle pendant les entretiens : “Est-ce que tu comptes garder ton voile ou non ?”
L’ingénieure dénonce les discriminations envers les femmes musulmanes et voilées : “Être femme musulmane en France, [c’est pousser] à dire : ‘Tu as beaucoup d’ambition, mais n’oublie pas, tu as ton voile. Si tu veux le garder, prends n’importe quoi. Ne sois pas trop motivée, trop optimiste.'” Hadjer a fait de nombreux sacrifices pour obtenir ses diplômes : “J’ai fait des années d’études, j’ai fait des nuits blanches, j’ai dû me former toute seule. […] Je sais que j’avais les capacités de pouvoir être ingénieure, de pouvoir rentrer dans ce domaine et être femme dans un domaine masculin.” Et pourtant, tous ses efforts n’ont pas payé tout de suite, contrairement à ceux ses camarades masculins.
Dénoncée par ses collègues
Avant son poste actuel, Hadjer était consultante à Nice. Elle portait un simple bandeau qui lui couvrait “à peine” les cheveux. Très vite, elle se fait dénoncer : “Il y avait même des consultants de cette boîte qui commençaient à envoyer des mails à mon manager. J’ai été surveillée. J’ai été mise sous pression par rapport à un bout de tissu. J’étais en période d’essai. Je me rappelle, le soir même, mon manager m’a appelée pour me dire : ‘ce n’est pas la peine de revenir demain.'” Aujourd’hui, la jeune femme est ingénieure software developer dans une grande multinationale. Elle a pris soin d’éviter les entreprises françaises, s’est juré de ne plus “postuler pour des grandes boîtes françaises” et privilégie désormais les entreprises internationales qui “sont plus ouvertes.”
À côté de son travail, Hadjer est bénévole chez Lallab, une association féministe et antiraciste dont le but est de “faire entendre les voix et défendre les droits des femmes musulmanes.” Tous les 27 mars, l’association organise le “Muslim Women’s Day”. Chaque année, un thème est mis en avant. Le 27 mars dernier était consacré aux discriminations à l’emploi que subissent les femmes musulmanes. Cette mobilisation est pensée pour être dans la continuité du 8 mars, journée des droits des femmes.
Hadjer est loin d’être la seule à se faire discriminer parce qu’elle porte le voile. D’autres femmes sont victimes de discriminations à l’embauche à cause de leur prénom, de leur origine, ou parce qu’elles se sont converties. La jeune femme de 30 ans résume ainsi sa pensée : “J’aimerais qu’on n’entende plus parler de femme voilée mais plutôt de ‘femme’ tout court.”
Retrouvez l’intégralité du témoignage d’Hadjer en vidéo :