L’Allemagne vient de franchir une nouvelle étape dans la reconnaissance d’un “troisième genre”. D’ici à la fin de l’année, la mention “divers” pourra être choisie sur les certificats de naissance, une première en Europe.
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Jamais un pays européen n’est allé aussi loin dans ce domaine. Le gouvernement allemand vient d’adopter un texte légalisant un “troisième genre” sur les certificats de naissance, mercredi 15 août. D’ici à la fin de l’année, l’Allemagne pourrait être le premier pays européen à reconnaître les personnes intersexes, si le texte est approuvé par le parlement allemand en automne prochain.
Le 10 octobre 2017, une décision de la Cour constitutionnelle allemande avait ouvert la voie en reconnaissant le “sexe neutre” d’une personne enregistrée avec le sexe féminin. La justice a donc demandé aux députés une législation concernant la mention d’un troisième sexe, avant la fin de l’année 2018. La démocrate et ministre de la Justice en Allemagne, Katarina Barley, a ainsi déclaré dans un tweet :
Kein Mensch darf wegen seiner sexuellen Identität diskriminiert werden. Die Einführung einer dritten Geschlechtsoptionen war überfällig. Es geht hier um Würde und positive Identität! #geschlecht https://t.co/TKtxLthGc9
— Katarina Barley (@katarinabarley) 15 août 2018
“Aucun être humain ne doit être discriminé en raison de son identité sexuelle. L’instauration d’un troisième genre aurait dû avoir lieu depuis longtemps. C’est une question de dignité et d’identité positive !”
Depuis le 7 mai 2013, en Allemagne, il était déjà possible de ne pas renseigner la case relative sur le certificat de naissance, en laissant le champ vide. Les personnes étaient ensuite libres de choisir le sexe masculin ou féminin au cours de leur vie ou bien de garder cette mention vide. Mais rapidement, les personnes concernées ont jugé cette loi discriminatoire. Selon elles, elle les plaçait dans une situation d’infériorité, estimant que leur identification se résumait à une case vide.
Selon les Nations unies, la population intersexe représenterait entre 0,05 % et 1,7 % de la population mondiale. Plusieurs pays, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde ou le Népal, reconnaissent un troisième sexe ou genre, souvent appelé “sexe neutre” ou “intersexe”. En Europe, les Pays-Bas et l’Autriche se sont engagés pour une reconnaissance d’un troisième genre.
Mais en France, une personne doit obligatoirement se rattacher au sexe masculin ou féminin dans les 5 jours suivant la naissance.
La France en retard
L’année dernière, la Cour de cassation française a rejeté la reconnaissance d’un “sexe neutre”, en écartant la demande d’une personne née sans pénis et sans vagin. Le plaignant, GaëtanSchmitt (un pseudonyme) est un psychothérapeute de 66 ans. Il ne se sent ni homme, ni femme, ne peut devenir l’un ou l’autre et souhaite rester ainsi.
Mais la justice française lui a refusé sa demande au motif que le “sexe neutre” était impossible dans la loi, estimant que la “dualité” des sexes dans la loi française est un “élément fondateur”, qui “poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique”, d’après l’arrêt du 4 mai 2017.
Si ce mouvement international et juridique pour la reconnaissance des personnes intersexuées prend de l’ampleur, c’est aussi le seul moyen actuellement de mettre fin aux mutilations subies par ces personnes dès leur enfance.
Des mutilations directement liées à ce refus de reconnaître un troisième sexe, dramatique pour les personnes intersexuées, comme l’expliquent les associations LGBT, et notamment Joël Deumier, président de l’association SOS homophobie, qui s’est exprimé sur le sujet au micro de RMC :
“Des bébés ne naissent ni femmes ni hommes et le corps médical opère ces bébés… Ce sont des mutilations génitales, puisque quand le bébé grandit ensuite, il se retrouve dans des situations où il n’a pas choisi les opérations qui ont été faites, des réductions de clitoris, des reconstructions de la voie urinaire.”
L’immobilisme français sur cette question peut être source de marginalisation, d’exclusion sociale, de suicides et de souffrances, aussi bien physiques que psychologiques.
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé, dans sa Résolution 2191 du 12 octobre 2017, une interdiction de ces mutilations. En 2016, la France a été condamnée à trois reprises par l’ONU pour avoir opéré des enfants afin de leur attribuer un sexe masculin ou féminin.