L’art abstrait et l’art figuratif ont-ils la même influence sur ceux et celles qui les contemplent ? C’est la question que se sont posée quatre chercheur·se·s de l’Académie nationale des sciences à Washington. Ceux-ci sont à l’origine d’une récente étude ayant mené diverses expériences en relation avec l’art. Leur but est de démontrer que l’art abstrait a un impact sur nos fonctions cognitives.
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Notre esprit perçoit les objets et événements selon la distance psychologique que nous avons avec eux et il en va de même pour la perception de l’art. Lorsque la distance psychologique est grande, l’esprit va penser en des termes plus abstraits, en se concentrant sur une vision d’ensemble. À l’inverse, lorsque la distance psychologique est faible, la pensée est plus concrète et se concentre sur les détails. Notre cerveau fonctionne de ces deux manières distinctes selon qu’il se trouve face à de l’art abstrait ou à de l’art figuratif.
Pour mieux comprendre, Daphna Shohamy, psychologue et coautrice de l’étude, reprend l’exemple de l’organisation d’un pique-nique, l’un planifié à demain, l’autre dans un an. “Le pique-nique qui aura lieu demain sera représenté par des caractéristiques concrètes : quoi manger, dans quel parc aller. Alors que le pique-nique qui aura lieu dans un an sera représenté par des caractéristiques plus abstraites : à quel point vous vous amuserez avec vos amis.”
21 tableaux testés sur 840 personnes
Pour démontrer cette double perception, les chercheur·se·s ont mené une expérience auprès de 840 personnes. Une sélection de 21 tableaux de Chuck Close, Clyfford Still, Mark Rothko et Piet Mondrian, du plus représentatif au plus abstrait, leur a été proposée. Dans la peau de commissaires d’exposition, ils ont dû choisir d’exposer les tableaux “demain” ou “dans un an”, ceci dans une exposition “au coin de la rue” ou “dans un autre État”. Plus la peinture était abstraite, plus elle avait tendance à être proposée pour une exposition future et dans un autre État américain.
À travers ces différentes expériences, l’étude a pu montrer que l’art abstrait s’inscrit dans une plus grande distance psychologique. Il aiderait à “puiser dans notre ressenti en écartant nos fonctions cognitives des détails concrets, pour les emmener vers l’abstrait”. “Il peut nous aider à puiser dans ces sentiments inexplicables sur les événements, les objets ou les personnes, car il nous met dans cet état d’esprit.” L’art abstrait permettrait d’explorer de nouveaux “territoires intérieurs” de notre cerveau.
Si l’étude ne permet pas tout à fait d’expliquer la manière dont l’art abstrait influence notre manière de penser, il établit une distinction claire entre la perception de l’art abstrait et l’art figuratif. L’ajout d’imageries cérébrales à l’étude devrait permettre d’en apprendre un peu plus prochainement.