“J’ai beaucoup de mal avec mes règles, ça me met mal à l’aise.” C’est un des multiples témoignages anonymes publiés sur le compte Instagram Coup de sang, créé en 2018 par Clara Déplantes, alors étudiante, qui réalisait un mémoire sur le tabou des règles.
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“J’ai voulu créer un espace de libre parole. Dans les commentaires, il y a un partage d’expériences, on se sent moins seule”, explique-t-elle. Son compte rassemble aujourd’hui 103 000 abonné·e·s. Un succès auquel elle ne s’attendait pas : “Au début, c’était surtout mes amies qui partageaient leurs témoignages.”
Sous le témoignage d’une esthéticienne qui “dédramatise” l’épilation pendant les menstruations, les commentaires affluent : des personnes racontent ne pas aller chez l’esthéticienne pendant cette période par honte, d’autres cachent la ficelle de leur tampon pour ne pas que ça se sache, des esthéticiennes refusent d’épiler car elles trouvent ça “sale”.
Derrière ces comptes, on trouve la plupart du temps des militantes féministes ou des associations comme Règles élémentaires, créée en 2015 pour lutter contre la précarité menstruelle. L’association organise notamment des collectes et des distributions de protections périodiques aux personnes qui ne peuvent pas s’en acheter.
La nécessité d’en parler
“Il faut parler publiquement des règles car elles ont des conséquences directes sur la vie quotidienne”, affirme Laury Gaube, chargée de la communication de Règles élémentaires. L’association s’investit aussi dans la sensibilisation via des ateliers scolaires et les réseaux sociaux. Son compte est suivi par près de 25 000 personnes, “majoritairement des 18-34 ans”.
Clara Déplantes a choisi Instagram car le format de publication est adapté aux témoignages, mais surtout parce que la plateforme est très utilisée par les jeunes, son public cible. “Il y a un besoin d’espace de parole que les gens peuvent trouver sur les réseaux sociaux. On le voit dans les messages privés qu’on reçoit, on vient nous demander des conseils”, affirme Justine Okolodkoff, responsable des contenus et de la sensibilisation chez Règles élémentaires.
“Il y a des cours de SVT en quatrième, mais ils restent très biologiques, ils ne répondent pas aux questions de la vie quotidienne, comme comment mettre un tampon”, déplore Clara Déplantes. Un constat également fait par l’association Règles élémentaires. Pour les militantes, les cours devraient être faits plus tôt. “Souvent, on va intervenir en troisième et en quatrième mais les premières règles, ça peut être entre le CM1 et la cinquième”, explique Laury Gaube.
Enjeu féministe
Pour Ludivine Demol, féministe et doctorante qui s’intéresse à la façon dont les jeunes s’informent sur la sexualité, les réseaux sociaux sont devenus un espace de “production de savoir” à l’initiative des mouvements féministes et en l’absence de discours à l’école ou en famille.
Sur son compte, Règles élémentaires répond à des questions pratiques comme “Comment savoir si j’ai des règles abondantes ?” avec pipette graduée à l’appui. “Des règles abondantes, c’est quand tu perds plus de 80 ml de sang par cycle, quand tu dois changer de tampon ou de serviette toutes les deux heures”, explique le post, tout en conseillant de consulter un·e gynécologue dans ce cas.
Pour Justine Okolodkoff, “l’échange du savoir entre pairs” est plus adapté sur des sujets de santé sexuelle. “Quand ce sont des adultes, qui sont des figures d’autorité, qui nous en parlent, ça peut être un peu gênant.”
Pourtant, le tabou subsiste. “C’est très récent de ne plus voir de sang bleu dans les publicités”, tout comme est récent “le diagnostic de l’endométriose, alors que cette maladie touche une [personne menstruée] sur dix”, constate Ludivine Demol. Elle dénonce une “invisibilisation du corps” des personnes menstruées dans la société, qui contribue à véhiculer des clichés sur les règles que ces comptes s’efforcent de démonter et d’expliquer.
Konbini arts avec AFP