Plus de 5 000 bandes dessinées sortent et sont commercialisées chaque année, soit en moyenne quatorze par jour. Tous les mois, Konbini vous propose une sélection de coups de cœur divers et variés, pour qu’en fonction de vos goûts, vous soyez sûrs de trouver la perle rare.
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Roman graphique, BD à l’ancienne, comics, manga : il y en a pour tous les goûts !
Ana & l’entremonde, de Cy & Marc Dubuisson (Édition Glénat)
Le souvenir de Radium Girls, de son dessin, ses couleurs, et ses destins tragiques de femmes empoisonnées par leur travail, est encore frais dans nos mémoires. Cy revient, cette fois avec une aventure en 4 tomes signés aux côtés de Marc Dubuisson. L’histoire de deux orphelins se retrouvant sur le bateau de Christophe Colomb dans une version de l’Histoire où la Terre est plate, et où, au niveau des chutes du bout du monde, se retrouve dans un univers s’appelant l’entremonde. Le début d’une aventure plus que prometteuse.
Caboche, de Joshua Hale Fialkov & Noel Tuazon (Édition Sonatine)
Sur le papier, Caboche est un polar classique. Mais outre le dessin et cette intrigue d’un détective malade à la poursuite de la fille d’un parrain de la mafia, c’est surtout dans sa construction qu’il surprend. Les effets de sa tumeur provoquent des changements dans la perception du temps chez Frank Armstrong, ce qui amène une construction en patchwork rappelant par moment Memento. Pas juste beau, Caboche renouvelle à sa manière un genre si codifié. Chapeau bas.
Colorado Train, d’Alex W. Inker (Édition Sarbacane)
On connaissait (et adorait) le travail d’Alex W. Inker pour son étude de l’histoire de la classe ouvrière — Fourmies la rouge et Un travail comme un autre en tête. Le voir adapter une enquête menée par des gosses outsider dans l’Amérique profonde des années 90 pourrait paraître comme un beau pas de côté. Mais outre la beauté intrinsèque des dessins du Belge, c’est par la tournure sombre du récit que l’on pourrait croire être de la veine des Goonies à la sauce Larry Clark que le livre surprend, racontant quelque chose de l’insouciance de l’adolescence face à la cruauté de la société.
Corto Maltese Tome 16 – Nocturne Berlinois, de Juan Diaz Canales et Rubén Pellejero (Édition Casterman)
La dernière fois que l’on avait lu des aventures de Corto Maltese, c’était sous la plume de Bastien Vivès, réinventant le célèbre marin aventurier. Ici, on revient à la série initiale avec le quatrième opus signé Juan Díaz Canales (l’auteur de Blacksad) et Rubén Pellejero (le dessinateur du Silence de Malka), avec une aventure certes plus classique — une enquête après la mort d’un ami de Corto au milieu d’une Allemagne sur le point de virer vers le national-socialisme —, mais toujours aussi bien ficellé. Gagnant sans doute en maturité, c’est un puzzle que l’on résout avec plaisir aux côtés de l’enquêteur, que le récit se joue de nous, ou non.
Dernier week-end de janvier, de Bastien Vivès (Édition Casterman)
Bastien Vivès est capable d’être dans la sobriété d’une histoire d’amour impromptue. On ne s’y attendait pas, mais son dernier livre, qui raconte l’histoire d’amour entre un auteur de BD de passage à Angoulême pour le Festival et qui s’ennuie, et la femme d’un collectionneur, le prouve. Le tout dans un dessin en noir et blanc toujours aussi beau. Du grand Vivès donc.
Gauloises, d’Igort et Andrea Serio (Édition Futuropolis)
On pensait avoir tout vu concernant la mafia italienne. Gauloises prouve le contraire. En se concentrant sur deux protagonistes, deux tueurs, Ciro et Aldo, les auteurs cherchent à se concentrer sur des hommes plus que sur la mafia, offrant un récit mélancolique, lent mais prenant. Le tout dans un dessin en pastel sublime.
L’Homme à la tête de lion, de Xavier Coste (Édition Sarbacane)
À peine remis de la claque de 1984 que Xavier Coste récidive, avec ce qui est, sans doute, la plus belle BD de cette rentrée. L’histoire d’un homme atteint d’hypertrichose (une maladie provoquant une augmentation de la pilosité), qui décide d’en profiter pour se faire un nom. Aussi impressionnant sur l’écriture que sur les dessins, le livre confirme une chose : Coste est un nom à suivre de très près.
La Couleur des choses, de Martin Panchaud (Édition Ça et là)
Un jeune anglais gagne au loto grâce à une voyante, mais en rentrant chez lui, découvre qu’il ne peut encaisser le ticket car sa mère est tombée dans le coma et son père a disparu. La quête pour le père pourrait amener une aventure un peu classique, mais outre l’écriture plutôt maligne, c’est dans la forme que le livre surprend — tout est raconté en vue plongeante, du dessus, comme dans les premiers GTA. Tous les personnages ne sont que des ronds de couleur, dans un dessin faussement simpliste mais extrêmement ludique.
La Mécanique des vides, de Zéphir (Édition Futuropolis)
6 ans déjà après le très bien reçu L’Esprit rouge, Zéphir revient avec une fable magnifique. Le récit de la quête initiatique poétique, écolo et profondément humaniste d’un homme se réveillant nu dans une caverne, sans souvenir, sans possibilité de parler, et qui va traverser le monde pour redonner la parole aux esprits. Issu d’un long voyage et d’expériences chamaniques que l’auteur a entrepris pendant plus de deux ans, ce livre n’est peut-être pas le plus accessible de cette sélection, mais bien l’un des plus beaux — sans nul doute.
La Revanche des bibliothécaires, de Tom Gauld (Édition 2024)
L’auteur de ces mots n’est habituellement pas un amoureux des BD à sketchs. Mais Tom Gauld, depuis 20 ans, offre des strips qui dépassent largement ce cadre. En retombant amoureux des auteurs, et des bibliothécaires au fil des confinements, l’auteur britannique offre des tranches de rires, inégales parfois, mais hilarantes souvent.
Le Secret de la force surhumaine, d’Alison Bechdel (Édition Denoel Graphic)
Si le nom d’Alison Bechdel vous dit quelque chose, c’est bien normal. Réputée comme l’un des meilleures autrices de roman graphiques drôles mais complexes — c’est Pénélope Bagieu qui le dit elle-même —, son retour était le petit événement de la rentrée. Après la recherche du père dans Fun Home, et de la mère dans C’est toi maman ?, Bechtel entre en introspection sur sa propre personne. Et comme d’habitude, c’est assez brillant de finesse.
La Synagogue, de Joann Sfar (Édition Dargaud)
C’est cloué à son lit d’hôpital du fait d’un COVID compliqué que Joann Sfar se rappelle sa jeunesse à Nice, à l’époque où ce dernier, pas encore majeur, se cherchait encore. S’interrogeait sur son rapport au judaïsme, à la masculinité, à l’héritage, aux fanatismes, tout en étant le témoin de la montée de l’extrême droite et d’une violence qu’on idéalise autant qu’on la craint. Encore une belle exploration de sa propre jeunesse, comme Sfar sait si bien le faire.
Le Labyrinthe inachevé, de Jeff Lemire (Édition Futuropolis)
Depuis plus de 10 ans, le nom de Jeff Lemire est devenu une référence dans le monde de la BD. Lire de la part du grand Matt Kindt que Le Labyrinthe inachevé serait son meilleur travail intrigue pas mal en amont. Et la lecture prouve tout ceci. Ce thriller à suspense sur un père obsédée par le fait de retrouver sa fille qu’il voit dans ses rêves, quand bien même celle-ci est morte d’un cancer il y a 10 ans, est une claque, autant de mise en page, de dessin que d’écriture. De loin l’un des titres phares de 2022.
Merel, de Clara Lodewick (Édition Dupuis)
Pour inaugurer la nouvelle collection de Dupuis Les Ondes Marcinelle, la fille de Vincent Dugomier (connu pour son travail sur Spirou), Clara Lodewick, signe un premier roman graphique sur les rumeurs d’un petit village, sur les réputations si importantes dans les communautés. Le tout dans un dessin assez simpliste techniquement mais joli et plaisant. Un livre prometteur.
Métax, d’Antoine Cosse (Édition Cornélius)
Sur le fond, la métaphore pourrait paraître peu subtile. C’est-à-dire qu’un monde imaginaire où la société est construite autour d’un minerai, le Métax, en cours de disparition, provoquant la colère d’une population, entre attentats et maladies, même s’il n’est pas du tout le même, ressemble étrangement au nôtre. Mais c’est en mêlant cette critique sociale à de la SF et en même temps à de la tragédie grecque que Métax devient d’un coup un des titres les plus importants de l’année.
Mon ami Pierrot, de Jim Bishop (Édition Glénat)
On avait eu un gros coup de cœur sur la dernière aventure de Jim Bishop, le sublime Lettres perdues. Le voir revenir avec une aventure magique, un conte de fées philosophique, une histoire d’amour qui va chercher dans les clichés pour réussir à s’en éloigner, multiréférencée, rythmé et beau, confirme que Bishop est un nom à suivre de très près.
O.M.W.O.T, de Benjamin Marra (Édition Requin Marteaux)
Le cliché du héros américain affrontant tous les ennemis de la liberté du pays de l’Oncle Sam n’a jamais été aussi jouissif que dans les feuilles d’O.M.W.O.T, réponse de Benjamin Marra à la politique de George W. Bush post-11-septembre. Un héros qui défonce tout, en un geste, qui fait fantasmer les femmes, impressionne ses opposants, le tout avec un second degré assez génial : cette réédition de la BD sortie au départ en 2016 est un grand oui.
Passeport, de Sophia Glock (Édition Casterman)
Des déménagements en continu causant un déracinement fort, une construction adolescente complexe dans une famille où les secrets sont rois, où le métier des parents est secret… L’autrice, Américaine habituée des colonnes du New Yorker, signe un premier livre autobiographique qui surprend par l’attache que l’on a pour cette jeune qui découvre les non-dits assez hors du commun. Très beau, et plutôt impressionnant pour un premier livre.
Perpendiculaire au soleil, de Valentine Cuny-Le Gallet (Édition Delcourt)
L’entreprise est assez rare pour être soulignée — à savoir la correspondance entre une étudiante française en art (19 ans), Valentine Cuny-Le Gallet, et un condamné à mort américain, Renaldo McGirth (21 ans). Forcément, sur le fond, le livre est frappant. Mais c’est peut-être formellement qu’il décontenance le plus, dans son dessin en noir et blanc alternant crayon, fusain, et gravure au bois (!), dans son découpage, dans la construction de ces échanges. Clairement l’une des claques de cette rentrée 2022.
Recette de famille, de James Albon (Édition Glénat)
Deux frères, Rowan et Tulip. Après l’arrivée d’un gros héritage, le premier, qui cultive des légumes, et le deuxième, un grand chef, s’unissent. Jusqu’à la découverte d’un champignon, qui fait tourner la tête de tous les clients. Beau graphiquement, très coloré, Recette de famille n’est pas qu’un livre sur le monde de la cuisine, c’est aussi une comédie absurde assez géniale, aussi piquante que sombre et grotesque.
Red Room, d’Ed Piskor (Édition Delcourt)
Imbibé des soirées passées à regarder les films d’horreur des vidéoclubs dans les années 80/90, inspiré de la littérature de Clive Barker et consorts, et dans la forme des comics de noms tels que Vince Locke ou Tim Vigil, Red Room est un comics gore au possible et dérangeant. De la part de l’auteur des géniaux Hip-Hop Family Tree et des sublimes X-Men Grand Design, cela peut paraître surprenant. Un thriller sur la barbarie mise en ligne, ces snuffs qui prouve que le bonheur des uns passe par la souffrance ultime des autres, interdit de diffusion dans 5 pays. Provocant, mais profondément marquant.
Réveille-toi bordel !, de Blandine Denis (éditions Lapin)
Depuis qu’Emil Ferris a sorti son livre fleuve Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, les bouquins dessinés au bic se multiplient. Réveille-toi bordel ! n’est pas qu’une vague copie. Blandine Denis, armée d’un stylo quatre couleurs et d’un carnet, alterne grand dessin, petit dialogue, et phrase écrite en pleine page. Un journal intime protéiforme, qui se lit rapidement, mais accroche à la lecture de bout en bout. Une petite pépite.
Sarami Princesse de l’enfer, de Sekaiichi Asakura (Édition Misma)
Originellement sorti en 2006, Sarami raconte l’histoire de la princesse des enfers, des nattes serpents sur la tête, qui, lassée des problématiques de succession, décide d’aller voir à quoi ressemble la vie sur Terre. Une succession de petites histoires racontant un grand récit d’émancipation, précurseur et toujours aussi drôle et inventif.
Saturnine, d’Alex Baladi (Édition Atrabile)
Le dessin, avec son trait épais et ses couleurs criardes, alternant peinture, collage et crayon, est la signature d’Alex Baladi, qui nous avait déjà impressionnés avec le western en noir et blanc, Revanche. Mais son appropriation de l’histoire de Tarzan (en réalité celle de Saturnin Farandoul, du français Albert Robida, qui a été conçu avant le héros américain), transformé au féminin, profondément féministe, est la plus grande force de ce très beau livre.
Toonzie, de Xavier Bouyssou (Édition 2024)
2049. La mort prochaine du gourou Toonzie devait amener paix et célébration — dans le culte qu’il a créé, on croit au fait que chaque individu correspond à un toon, à un personnage de dessin animé qui flotte au-dessus de nous. Le décès de ce dernier doit être dans la paix pour que le monde entier découvre son toon. C’était sans compter un agent du fisc qui décide de mettre son nez dans les affaires de la secte. Sous forme de farce absurde et mélancolique, mêlant délire coloré au sein d’un récit en noir et blanc, ce premier livre de Xavier Bouzssou est un sacré bordel, émouvant quand il le faut, mais toujours barge.