Reporter prolifique, Louis Theroux a réalisé des dizaines de documentaires sur des sujets chocs comme les suprémacistes blancs, les néo-nazis et l’univers carcéral aux États-Unis. Cette fois, plutôt que d’infiltrer les scientologues pour son nouveau film, il les a fait venir vers lui.
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Tout juste projeté au Tribeca Film Festival de New York, My Scientology Movie, réalisé par John Dower, tente d’apporter un éclairage différent sur l’Église américaine de scientologie. Interviewés par le blog Gawker, mardi 19 avril, Louis Theroux et John Dower racontent comment les scientologues se protègent des journalistes et expliquent leur manière de jeter de l’huile sur le feu.
Ne voulant pas produire un documentaire classique sur le sujet, Louis Theroux se voyait refuser toutes ses demandes d’interview depuis des années :
“Même si j’aurais adoré entrer dans leur église, il y avait une partie de moi qui comprenait que cela n’arriverait jamais. C’est dans l’ADN de la scientologie de ne pas faire confiance aux journalistes. Je crois que L. Ron Hubbard [le fondateur de la scientologie, ndlr] a placé les journalistes à quelque chose comme 1.1 sur leur échelle de tons émotionnels, ce qui les met dans la catégorie des “pervers” […]. Autrement dit, si tu es journaliste, tu es par définition un esprit déviant. Ils ne vont pas inviter un esprit déviant à venir chez eux.”
Un documentaire hybride comportant des scènes tournées avec des acteurs
Le reporter britannique a donc choisi une approche originale, proche du docu-fiction : d’après les témoignages d’anciens membres de la secte, comme le repenti Marty Rathbun, il a décidé de tourner des reconstitutions d’évènements dramatiques ayant eu lieu au sein de l’Église de scientologie. Loin de s’en cacher, il a prévenu de nombreuses instances scientologues aux États-Unis de son projet, dans l’idée qu’ils finiraient par venir le surveiller : “C’était mon rêve qu’ils se mettent à me suivre. Je craignais vraiment qu’ils ne le fassent pas.”
Après deux mois de tournage de scènes portant notamment sur les exactions dont est accusé David Miscavige, le leader de l’Église de scientologie, la stratégie de Theroux a fini par payer. Il racontait en octobre 2015 au Guardian :
“Je n’ai jamais été autant soulagé de voir un groupe d’inconnus arriver et commencer à me filmer d’une manière totalement louche de l’autre côté de la route. Après avoir étudié le sujet pendant des années, après voir vu d’innombrables vidéos YouTube de cadres scientologues filmant leurs détracteurs […], c’était incroyable d’être finalement l’objet de leurs investigations.”
My Scientology Movie est ainsi devenu un documentaire hybride, mélange de reconstitutions avec acteurs et des interactions de Theroux avec les scientologues qui surveillent ses faits et gestes. Le film tente de dépasser les critiques habituelles sur la scientologie – dans le sens où il s’attache vraiment à comprendre le fonctionnement et les agissements des scientologues.
“Je ne sais pas si j’ai appris quelque chose, mais j’en suis sorti encore plus […] ambivalent sur les religions en général […]. Toutes les religions sont fondamentalement irrationnelles, l’important c’est de savoir différencier ce fait des moments où la foi devient toxique ou dangereuse. De beaucoup de manières, la scientologie n’est pas si différente d’autres religions. C’est juste qu’on ne voit pas les anglicans faire le genre de choses pour lesquelles la scientologie est tristement connue […].
À quel point la scientologie peut être réformée ? À quel point peut-elle devenir acceptable par le grand public tout en conservant son idéologie ? C’est sur cette question que je me suis penché, même si je ne donne pas de réponse.”
Produit par la BBC, My Scientology Movie ne dispose pas encore de date de sortie française.