Il y a quatre ans, on croisait ce groupe dans les salles de province. Aujourd’hui, il goûte à une notoriété inédite. Le duo de Brighton nous raconte comment il a géré la célébrité dans le milieu de la musique, tout en préparant son second album, sorti en juin dernier.
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On ne s’attendait pas à ce que les deux gars de Royal Blood soient aussi agréables et souriants. Ce jour-là, le 9 novembre, il ne leur restait que deux heures avant de monter sur la scène du Zénith de Paris, où ils ont joué leur second disque, How Did We Get So Dark ?, paru en juin 2017.
Les deux musiciens, que tout le monde ne cesse de comparer à Led Zeppelin et aux White Stripes, ne sont plus les mêmes qu’en 2013. S’ils n’ont pas quitté leur look de roadies timides, tous deux sont plus confiants, sur scène comme en interview :
“On avait du mal à parler au public au début. Aujourd’hui, on est toujours aussi excités de jouer en concert, mais je pense qu’on est moins stressés et plus à l’aise avec la foule”, explique Mike Kerr, le bassiste, en se tournant vers son ami batteur Ben Thatcher, qui hoche la tête.
Passés de l’ombre à la reconnaissance en l’espace de quelques mois, les deux Anglais auraient pu devenir de véritables divas. En 2014, le monde du rock se voyait chamboulé par les riffs tonitruants de la basse de Mike Kerr et la puissance de leur album Royal Blood.
Avec des singles véloces comme “Figure It Out” et “Come On Over”, ou des plus sombres tels que “Out Of The Black” et “Ten Tonne Skeleton”, ce premier disque ravive les bons souvenirs des années 2000, côté hard du rock’n’roll.
Dès sa sortie, Royal Blood bat un record de ventes en Angleterre. Le groupe décolle alors pour les États-Unis, participe à nombres festivals (dont Glastonbury en 2014 et 2017) mais, un peu dépassé par son succès fulgurant, cultive un silence médiatique.
Garder la tête froide…
Toujours en 2014, les musiciens de Brighton assurent les premières parties des Foo Fighters, puis des Pixies et bientôt celles de Queens Of The Stone Age. À les voir poser aux côtés de Brad Pitt sur Instagram et fréquenter des légendes du rock comme Jimmy Page de Led Zep et Lars Ulrich de Metallica, on croyait leur humilité envolée – leur aspect mystérieux et introverti avait quelque chose d’attachant. En réalité, les deux musiciens se sont naturellement habitués à leur nouvel environnement, mais reconnaissent que la célébrité ne les concerne pas.
“C’est notre musique qui est célèbre, pas nous. On ne nous apostrophe que rarement dans la rue”, avoue Mike. Ben insiste un peu bougon : “On n’en a rien à faire de savoir si Mike va faire la une des tabloïds parce qu’il a une nouvelle copine.” Avant d’ajouter simplement : “C’est la musique qui nous importe.“
Royal Blood incarne-t-il alors la relève du rock ? Non plus, estime Ben : “Je dirais que je me sens comme un musicien épanoui, en studio et sur scène. Mais lorsque je prends mon petit-déjeuner le matin, je suis juste Mike.”
… mais carburer en studio
Évidemment. Mais entre les murs du studio, Mike et Ben n’ont pas su garder la tête froide et ont enterré ce qui faisait leur charme : un rock qui brûle et qui transpire. Sur leur second album, c’est à peine s’il suinte, avec des refrains ennuyeux qui rappellent des morceaux déjà entendus mais moins accrocheurs, et des rythmes plats pour un ensemble qui manque cruellement de force – l’exemple le plus frappant étant la chanson “I Only Lie When I Love You”.
Dans un entretien donné à NME (magazine de référence de la musique anglo-saxone), Royal Blood est revenu sur ses influences : pour le single “Lights Out”, les deux rockeurs se sont demandé comment sonnerait un morceau rock écrit par Daft Punk (n’ont-ils jamais écouté “Robot Rock” ?). Quant au titre de clôture, “Sleep”, ils se sont apparemment posé la question du genre de morceau que Black Sabbath aurait sorti s’ils étaient des artistes hip-hop. Des comparaisons prétentieuses qui frôlent l’absurdité.
Malgré une apparente humilité, Royal Blood s’est perdu à vouloir produire un second album trop ambitieux, étouffé par ses références. En même temps, le bassiste ne s’épanche pas sur la signification de sa musique et préfère déclarer, comme nombre de ses confrères avant lui : “Ne rien dire explicitement à son auditoire est plus fort que tous les mots qui décriraient nos chansons.”
Ben renchérit : “Nous voulons juste offrir un bon moment à notre public, qu’il oublie ses problèmes et profite au maximum.“ Ce discours peu original contraste avec la démarche musicale qu’ils revendiquent sur How Did We Get So Dark ?.
L’expérience de la scène et du studio accumulée en trois ans leur a offert une nouvelle énergie, qu’ils ont échangée contre la fraîcheur du premier disque. “C’est naturel de perdre un peu de sa fraîcheur quand on grandit en tant que groupe, assume Mike. Il y a de la beauté dans le fait d’être frais et naïfs, mais nous avons perdu tout ça pour atteindre quelque chose d’autre.”
Bien qu’ils confient se sentir plus eux-mêmes depuis la multiplication de leurs projets scéniques et musicaux, ils doivent encore dompter cette nouvelle et grisante assurance. Et alors le troisième album ne pourra être que meilleur.