Lundi 5 novembre 2018, Marseille. Il est 11 h 02 quand Thomas reçoit un SMS : “Punaise, vous avez vu l’immeuble en face s’écrouler ?” Thomas répond : “Non, il se passe quoi ?” Il ne sait pas qu’il y a deux heures, deux édifices, rue d’Aubagne, situés en face de chez lui, se sont effondrés. Il n’était pas à la maison.
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En l’espace de quinze minutes, les murs se sont effrités et les bâtiments se sont écroulés. Le bilan de ce drame sera de huit morts : Fabien, Simona, Marie-Emmanuelle, Chérif, Niasse, Ouloume, Taher et Julien. De nombreux habitats dans les alentours sont alors considérés comme dangereux pour les citoyen·ne·s. Les autorités rasent un troisième immeuble qui est sur le point de s’effondrer. Des dizaines d’autres sont vidés.
Locataires comme propriétaires sont tous logé·e·s à la même enseigne. Commence alors un long parcours pour ces femmes et ces hommes à qui on a demandé en trente minutes de rassembler l’essentiel de leurs affaires et de quitter les lieux, avant d’être envoyé·e·s dans une chambre d’hôtel de douze mètres carrés où certain·e·s passeront plusieurs mois, d’autres plusieurs années. Très peu retrouveront leur appartement.
Dans son livre Indigne toit, le photographe Anthony Micallef a suivi ces habitant·e·s délaissé·e·s, abandonné·e·s à leur sort. Ces invisibles. Il a photographié et recueilli la parole et les visages de ces Marseillais·es qui, du jour au lendemain, ont perdu leur appartement. On retrouve Samih, Chaima et ses enfants, Fatima et Aberrazak, ou encore Fabien, qui partagent avec le photographe leur crainte de se retrouver à la rue, leurs rêves brisés, la peur du lendemain.
Anthony Micallef est aussi allé à la rencontre des professionnel·le·s qui gravitent autour de ces personnes : psychanalystes, militant·e·s, bénévoles, qui accompagnent les habitant·e·s dans cette épreuve car, au milieu de ce calvaire, une solidarité citoyenne puissante est née. “Comme toute faille, celle d’Aubagne laisse désormais passer la lumière”, écrit le photographe dans son introduction au livre.
Entre les citations des témoignages, les portraits et les détails capturés, les scènes de vie ou encore les flashcodes où l’on peut entendre la voix des personnes, Anthony Micallef raconte l’histoire d’un abandon, d’un effondrement, d’une disparition. D’une ville, Marseille, qui délaisse ses habitant·e·s.
“Bonne mère, semant des miettes pour perdre tes enfants dans des ruelles infanticides, ville aussi dure que la lumière qui l’inonde, terminus d’un voyage qu’on raconte ici, empli de dépit, fatigué et écumant comme une vague qui a traversé le monde pour venir lécher le sable d’un marchand de sommeil. Tous le savaient : chaque cité méditerranéenne est constituée d’une école sans maître et d’un cimetière qui attend.”
Couverture du livre “Indigne toit”, d’Anthony Micallef, publié par André Frère Éditions.
Indigne toit, d’Anthony Micallef, est publié chez André Frère Éditions.