Teasée par Kanye West lui-même depuis plusieurs jours, son interview avec Charlamagne tha God dure 1 h 45 et est pleine de révélations.
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Quand on interviewe Kanye West, il faut s’attendre à ce qu’il explose à tout moment. Charlamagne tha God savait que l’épreuve serait rendue d’autant plus difficile par l’actualité tumultueuse du rappeur. On ne vous apprend rien, il pète un câble en ce moment : déclarations d’amour à Trump, écriture d’un livre de philosophie en temps réel, week-end timbré… Bref, Kanye est en totale roue libre.
Forcément, le monde s’est interrogé sur son état de santé mentale. Il paraissait donc de bon ton que le rappeur s’explique enfin publiquement. Ce qu’il a fait au travers un long entretien fleuve accordé au journaliste et animateur de The Breakfast Club. Publié sur la chaîne YouTube de l’artiste de Chicago, cet échange à cœur ouvert dure 1 h 45. Et pendant tout ce temps, Kanye a fait du Kanye.
Sa dépression nerveuse, son hospitalisation, Jay-Z, Donald Trump, Obama, Taylor Swift, sa philosophie, la mode… Rien n’a été oublié. Avec tous ces thèmes, on a encore du mal à savoir ce qu’il faut retenir tellement tout est marquant, parfois invraisemblable. Voici donc dix extraits choisis.
Son état de santé
C’est la première question que nous sommes en droit de nous poser au vu de l’actualité de Kanye. D’autant plus que l’artiste n’en est pas à ses premiers troubles. En 2016 déjà, il a été hospitalisé en hôpital psychiatrique après une dépression nerveuse. À ce sujet, lorsque le journaliste commence l’entretien en lui demandant comment il se sent actuellement, l’artiste est on ne peut plus clair :
“Je pense que je suis plus fort que je ne l’étais après mon craquage ou, comme j’aime à le dire, ma découverte de moi-même. Je suis heureux d’avoir traversé tout ça. Je suis heureux d’être allé de l’autre côté et d’être revenu.”
Malgré sa rémission, tout ne fut pas gagné pour Kanye, lui qui pensait que les médecins voulaient sa peau. Il se sentait seul, avait peur et c’est pour cela qu’il souhaitait rester près de sa femme et de ses proches :
“Ce moment où vous êtes dans un lit d’hôpital, à côté de votre ami et que vous lui dites ‘reste près de moi’. C’est ce que tu veux et eux te mettent à l’intérieur d’un ascenseur et t’enlèvent tous tes amis. C’était le moment le plus effrayant de ma vie, je pensais vraiment que j’allais me faire tuer.”
Après quoi il s’est exprimé sur les causes de son craquage nerveux. Un burn out déclenché par le stress et une pression globale :
“Tout ça est dû à la peur, au stress, au fait d’avoir du contrôle, d’être contrôlé, manipulé, être comme un pion sur un jeu d’échecs. Tout ça crée du stress, c’est quelque chose qui ne me touchait pas autant auparavant. Être en concurrence perpétuelle et sur de nombreux plans n’aide pas non plus. Être dans une course contre le temps par rapport au fait de vieillir, mais aussi être en course pour la popularité.”
Le cas Taylor Swift
Kanye a jugé responsable de son déclin sur les ondes sa polémique avec Taylor Swift en 2009 aux MTV Video Music Awards. Pour rappel, il avait interrompu le discours de la star de la country pour s’opposer à sa victoire. Pour lui, c’est Beyoncé qui aurait dû être couronnée, elle qui avait livré ”la plus grande vidéo de tous les temps”. Cette prise de parole controversée aurait, selon lui, entraîné une hostilité des radios et des médias envers sa musique.
“Depuis l’incident avec Taylor Swift, mes liens avec les radios n’ont plus jamais été les mêmes.”
Il est revenu longuement sur ses motivations à interrompre la cérémonie. Pour lui, son action allait bien au-delà de son amour pour Beyoncé, mais avait pour but de donner de la voix à tous les invités de la cérémonie qui se sentent floués de ne pas recevoir de prix alors qu’ils le mériteraient.
“Je ne me suis pas spécialement battu pour Beyoncé, mais pour toutes les fois où des prix ont été décernés aux mauvais gagnants. Nous sommes des gens très sensibles, des artistes […].
Nous sommes habillés et alignés dans l’attente d’une statuette dorée, et vous nous faites sentir comme des moins que rien. Il y a cinq nominés, et quatre d’entre nous doivent aller au restaurant retrouver leurs amis en leur disant : ‘Mec, on n’a rien gagné, ça craint.'”
Sa relation avec Jay-Z
Depuis la sortie de leur album commun Watch the Throne en 2011, les relations entre les deux frères du rap Jay-Z et Kanye West n’ont cessé de se dégrader. La faute à des conflits d’intérêts financiers et aux propos borderline proférés par Kanye lors de son fameux craquage nerveux deux ans auparavant.
Alors que beaucoup espèrent encore voir le trône se reformer, Kanye a assuré, comme l’a fait son homologue avant lui, que leur relation de respect mutuel était aujourd’hui au beau fixe malgré les différends passés. Chacun essaie de recoller les morceaux.
“Nous sommes en bons termes. Je veux dire par là que nous nous envoyons des textos. C’est de l’énergie positive. Je ne l’ai pas vu depuis longtemps, mais je peux le sentir.”
La bromance avec Donald Trump
Sans doute le sujet sur lequel les éclaircissements du rappeur étaient les plus attendus. Après des affinités idéologiques affichées avec l’actuel président américain, beaucoup de ses fans et de ses homologues artistes lui ont tourné le dos. En plus des multiples explications données sur Twitter, Kanye est revenu sur ses opinions politiques. Bien entendu, Charlamagne n’a pas manqué de lui rappeler son intervention en direct à la télévision pour tacler George Bush, mais Kanye est resté droit dans ses idées :
“C’était une dynamique globale. Beaucoup de gens autour de moi m’ont dit : ‘N’exprime pas ce que tu penses.’ [J’ai demandé] pourquoi. [Ils ont dit] pour le bien de ta marque, tout ça…
Pourquoi George W. Bush est-il plus raciste que Trump ? C’est une question que mon ami m’a posée, ce à quoi je réponds que le racisme n’est pas la cause de mon ralliement et que si c’était le cas, je ne vivrais pas en Amérique.”
“Le fait qu’il ait gagné prouve que tout est possible. Je ne suis pas un penseur traditionnel ni un non-conformiste, mais je suis aussi un producteur, j’aime bien mélanger les choses. Au final, ce que je propose, c’est la campagne de Trump avec les valeurs de Bernie Sanders.”
Une rancœur à l’égard d’Obama
Proche du président Obama, Kanye s’est, dès 2010, déclaré “l’abomination de la nation d’Obama”. Des mots qui font écho au fait qu’il se soit senti blessé par le prédécesseur de Trump qui l’avait traité “d’abruti” suite à l’incident avec Taylor Swift aux Grammy Awards. Sur ce sujet, Kanye s’est adressé directement à l’ancien président des États-Unis :
“Je suis votre artiste préféré. Vous jouez ‘Touch the Sky’ lors de votre investiture et, tout à coup, Kendrick, Jay et ceux que vous invitez à la Maison-Blanche sont vos rappeurs préférés ? Je n’ai pas de problème avec eux, mais vous savez comme moi que je suis votre préféré. Je ne suis pas sûr de le rester, mais c’est pour ça que vous m’aimez.
Alors dites-moi juste que vous m’aimez et dites-le au monde. N’allez pas dire que je suis un abruti. Je me bats suffisamment dur… Mon entrée sur scène était similaire à votre credo. Moi aussi je me bats pour briser la simulation, les codes établis… Tout ça n’avait aucun sens.”
Kanye, comment va ton ego ?
Toujours en parlant de Barack Obama, Kanye en profite pour se jeter des fleurs et faire gonfler ses chevilles. Comme il sait si bien le faire.
“Obama est venu me voir avant de se présenter aux élections et il m’a rencontré avec ma mère pour me faire savoir qu’il allait se présenter. Tout ça parce que je suis son artiste préféré de tous les temps. Logique parce que je suis le plus grand artiste de tous les temps. Ça fait sens, il a du goût…
Bien sûr quand je suis monté sur scène, ça aurait été bien si cette vidéo n’était pas sortie [quand il a déclaré que Kanye était un abruti, ndlr]. Il ne m’a jamais appelé pour s’excuser. La même personne qui s’est assise avec moi et ma mère… Je pense qu’il aurait dû me parler directement.”
Et la mode dans tout ça ?
En plus d’être un rappeur iconique et un producteur de génie, Kanye est un designer de mode. Il a fait savoir qu’une collaboration avec Louis Vuitton était prévue avant d’être finalement avortée. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais en flirtant avec Vuitton, le créateur s’est attiré les foudres d’un autre de ses partenaires, Adidas. Dans la mode aussi, difficile de jouer sur deux tableaux.
“J’ai rencontré Bernard Arnault. On s’était mis d’accord sur un partenariat et, trois mois plus tard, le contrat a été annulé. […] J’avais dû aller voir Adidas et leur dire : ‘Je sais qu’on a fait un super show, mais Louis Vuitton va apporter son soutien à Yeezy. Chez Louis Vuitton, ce sont des maîtres du vêtement, j’ai donc besoin que vous laissiez tomber notre collaboration. J’ai déjà tous les papiers.’
Et Adidas m’a expliqué : ‘Ok cool. On est d’accord, on ne fera que les sneakers.’ Depuis ce jour, il n’y a plus eu de pièce Adidas x Yeezy.”
Dans cet entretien, Kanye a visiblement voulu faire taire ses détracteurs en légitimant sa démarche. Le rappeur semble toujours aussi fier de sa philosophie : celle de prôner l’ouverture, l’audace et la libre-pensée. Mais celle-ci n’a t-elle pas ses limites ? Outre ses affinités affichées avec Donald Trump, le rappeur s’est une nouvelle fois fait remarquer, dans une autre interview cette fois.
here's a clip of kanye saying slavery was a "choice" & tmz being the voice of reason pic.twitter.com/Rn438n5oLf
— Devan (@DevanJJoseph) 1 mai 2018
“L’esclavage était un choix”
Tels sont les propos qu’il a ouvertement tenus dans les colonnes de TMZ :
“On entend parler d’un esclavage qui a duré 400 ans… Quatre cents ans ! Autant de temps ressemble à un choix selon moi. Je veux dire, c’est là depuis 400 ans et ça vous concerne tous… C’est comme si nous étions enfermés dans une prison mentale.”
Des propos inattendus pour un sujet des plus tabous outre-Atlantique et qui n’auront pas manqué de mettre le feu aux poudres. Le journaliste de TMZ Van Lathan ne s’est d’ailleurs pas gêné pour couper le rappeur et lui répondre en plein tournage.
Conscient du bad buzz qu’il a provoqué, Kanye s’est rapidement saisi de Twitter pour clarifier sa position. Il a expliqué qu’il ne parlait pas de la traite négrière ou du commerce triangulaire, mais bien de “l’esclavage moderne”, cette nouvelle forme d’esclavage “mental”. Quelque chose qu’il évoquait déjà dans son morceau “New Slaves” extrait de l’album Yeezus. On a quand même du mal à y croire du fait des “400 ans” évoqué délibérément, mais bon…
the reason why I brought up the 400 years point is because we can't be mentally imprisoned for another 400 years. We need free thought now. Even the statement was an example of free thought It was just an idea
— KANYE WEST (@kanyewest) 1 mai 2018
Quoi que Kanye ait réellement voulu dire, la polémique ne cesse de prendre de l’ampleur. Lui qui a annoncé qu’il sortirait un nouvel album ouvert et fédérateur (prétendument intitulé Love Everyone), il va devoir faire plus que de la bonne musique pour se rabibocher de manière durable avec le monde entier. Surtout s’il souhaite réellement partir à l’assaut de la Maison-Blanche en 2024.