Tout commence en 1987. La drag-queen Linda Simpson distribue à travers New York des piles de feuilles en noir et blanc accrochées les unes aux autres. Entre ces pages, un trésor pour les communautés queers qui font bouillonner la vie nocturne de la Grosse Pomme.
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Jusqu’en 1994, My Comrade prend du galon. Au fil de ses dix publications, le magazine prend de l’épaisseur, autant dans sa forme que dans sa réputation. Subissant de plein fouet les discriminations visant les personnes LGBTQ+, l’incompréhension autour de la scène drag ainsi que la peur et les stéréotypes liés à l’épidémie du VIH, Linda Simpson créait un objet artistique qui a fait rapidement parler de lui.
La publication sert alors différents angles : d’un côté, offrir les représentations qui manquent aux médias dits généralistes ; d’un autre, donner un espace aux artistes queers travaillant la photo, le dessin, les mots ou la mode. My Comrade traite aussi de sujets relatifs à la pop culture et à la vie quotidienne, souvent en parodiant le ton des autres médias – ses couvertures, fantasques et sarcastiques, le prouvent avec humour.
Parmi les contributeur·rice·s les plus célèbres, on retrouve les noms des photographes Jack Pierson et David Armstrong, du peintre Tabboo!, ou encore des drag-queens Lady Bunny et RuPaul, légendaire reine de l’émission RuPaul’s Drag Race.
Ironie, sarcasme et liberté d’esprit formaient ainsi la recette de ce magazine profondément camp, du nom de cette esthétique audacieuse théorisée entre autres par Susan Sontag. My Comrade était toujours accompagné du supplément Sister!, dédié aux lesbiennes, sur l’envers du magazine, précise Dazed.
Bien que présentant les travaux d’une multitude d’artistes, My Comrade était l’œuvre d’une personne, la drag-queen Linda Simpson. La légende raconte qu’elle ne sortait jamais sans son appareil photo et qu’elle documentait tout ce qui lui passait sous le nez, sans idée derrière la tête.
“C’était juste pour m’amuser. C’était des clichés ordinaires. Ce n’est qu’après plusieurs années que je me suis rendu compte que j’avais créé une capsule temporelle d’une époque fascinante. J’ai eu beaucoup de chance : j’étais au bon endroit au bon moment”, relatait-elle en 2017 à Gays in Town.
Après dix numéros et sept années d’existence, My Comrade a tu ses voix pendant près de dix ans. Suite à cette longue pause, Linda Simpson a opéré un retour célébré par la presse gay née entre-temps.
Plus de 35 ans plus tard, alors que la culture drag est la star d’une émission télé mondialement populaire (chose impossible à l’époque) et que l’esthétique camp s’est emparée d’un des événements mondains les plus prisés du monde (le Met Gala 2019), le magazine est la star d’une exposition organisée à New York, “My Comrade Magazine: Happy 35th Gay Anniversary”. Un retour en grande pompe pour une des reines de la drag et la preuve que les petites pierres aident à bâtir les plus grands édifices.
L’exposition “My Comrade Magazine: Happy 35th Gay Anniversary” est visible au Howl! Happening de New York jusqu’au 17 juillet 2022.