En juin dernier débarquait avec fracas sur Netflix le long-métrage polonais 365 Dni. Érotique mais surtout très problématique, le film fait en réalité l’apologie de la culture du viol à grand renfort de clichés sexistes et de masculinité toxique.
Pourtant, les scènes de sexe très explicites ont suffi à le faire accéder à la première marche du podium des contenus les plus populaires de la plateforme et près d’un mois après sa mise en ligne, il est toujours en quatrième position des tendances en France.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là puisque l’on observe également un effet rebond : Love, le long-métrage érotique de Gaspar Noé qui avait affolé la Croisette en 2015 pour ses scènes de sexe non-simulées mais qui était pourtant passé relativement inaperçu en salles avec seulement 65 000 entrées, bénéficie lui aussi d’un soudain regain de popularité fortuit.
Grâce à la magie des algorithmes, le film arty du réalisateur d’Irréversible caracole aujourd’hui en tête des tendances sur la plateforme, comme le relève Indie Wire et se hisse dixième du top en France.
Il n’en fallait pas plus pour le géant américain surfe sur la vague de l’érotisme en mettant en ligne Emmanuelle, le film sulfureux sorti en 1974 dans les salles françaises, resté près de 10 ans à l’affiche et qui demeure toujours ancré dans l’imaginaire collectif.
Si vous voulez poursuivre vos séances de minuit, on vous a sélectionné cinq excellents films à haut potentiel érotique, chacun à sa façon.
L’inconnu du lac
La totalité du thriller gay d’Alain Guiraudie se concentre aux abords de ce fameux lac, celui du titre, personnage principal du film autour duquel s’articule un fascinant ballet très codifié d’hommes nus qui s’observent, se frôlent, se draguent et concluent dans les fourrés. Chaque nouvelle journée d’été au bord de ce lac se suit et se ressemble tandis qu’un nouveau chapitre de l’histoire s’écrit.
Malgré cette simplicité de surface, ce huis clos d’extérieur est un condensé d’érotisme et de suspense dès lors que Franck, habitué des lieux, s’éprendra de Michel qu’il aura pourtant vu noyer son amant dans le lac tard le soir, se croyant à l’abri des regards.
Franck naviguera entre son idylle naissante avec cet apollon moustachu et son affection platonique pour Henri, un hétérosexuel à la recherche de tranquillité qui vient passer ses journées seul et habillé sur cette plage naturiste.
Sa passion avec Michel offre de belles scènes d’amour, d’autant plus érotiques qu’elles sont dangereuses, filmées sans aucun détour tandis que son amitié avec Henri fait office de respirations par la douceur de leurs conversations faussement innocentes et véritablement bouleversantes, qui interrogent également sur l’instantanéité des relations amoureuses quelles qu’elles soient.
Bang Gang (une histoire d’amour moderne)
Le premier film d’Eva Husson, française expatriée à Los Angeles et jusqu’alors plus connue pour son travail de clippeuse, fait office de parenthèse inédite dans le cinéma français.
Elle y filme les adolescents d’une ville côtière française de taille moyenne qui, pour tromper l’ennui, organisent des “bang gang”, surnom donné à leurs joyeuses partouzes sous MD, comme s’ils n’assumaient pas tout à fait la vraie nature de leurs activités.
Librement inspiré d’un fait divers survenu aux États-Unis dans les années 1990, Bang Gang est un teen movie sensuel et stylisé, dont le sujet cru est adouci par un travail sur la lumière, tantôt électrisante, tantôt douce, à la manière d’un Virgin Suicide de Sofia Coppola, la reine de l’ennui adolescent.
Entourée d’un impressionnant casting d’acteurs alors débutants mais tous excellents, Eva Husson est la cheffe d’orchestre de cette danse sexuelle qu’elle filme sans condescendance ni complaisance.
Call Me by Your Name
“And I’ll call you by mine“. Dès son titre, le film de Luca Guadagnino était extrêmement suggestif. Et c’est justement la force de ce long-métrage où tout se joue dans l’évocation. C’est un film très sexuel où l’on ne voit presque rien, à l’exception d’un jeu érotique avec une pêche ou d’un caleçon reniflé.
Tout le film est articulé autour de la tension sexuelle entre Elio et Oliver qui ne scelleront leur idylle que tardivement et se tortureront autant qu’ils nous torturent. Ajoutez-y la chaleur de l’Italie pittoresque et incroyablement photogénique des années 1980 et vous obtenez un cocktail débordant de sensualité.
Mais que n’a-t-on déjà pas dit au sujet de Call Me by Your Name ? Certainement pas que Timothée Chalamet est un grand acteur, le seul à être parvenu à nous faire vivre une seconde fois nos émois adolescents avec une telle intensité. La puissance de ce grand film et la justesse du jeune Timothée nous ont permis de nous sentir au plus près du personnage d’Elio alors que tout semble nous séparer.
© Sony Pictures
Mademoiselle
Dans la Corée des années 1930 sous l’occupation japonaise, Sokee, une jeune femme d’origine modeste se fait embaucher au service de Hideko, une riche japonaise, cloîtrée dans une immense demeure. De mèche avec un faux comte qui se fait passer pour un professeur de dessin, les deux magouilleurs ont pour but de faire interner Hideko, à la santé mentale fragile, pour s’accaparer son héritage. Mais une tension sexuelle imprévue va s’installer entre la maîtresse et sa servante et les ambitions de chacun vont être mises à mal.
Le thriller est décidément un terreau fertile et propice aux sous-textes érotiques surtout quand il prend la forme d’un triangle amoureux et pervers, tout en jeu d’ombres derrière des paravents et des secrets murmurés.
Dans ce film envoûtant et esthétiquement sublime, chaque objet a une charge potentiellement sexuelle, qu’elle soit frontale ou suggérée : les sucettes et boules de geisha bien sûr, mais aussi un dé à coudre ou la désormais célèbre pêche.
Mais le film de Park Chan-wook a également un côté sadien et fétichiste assumé, incarné par l’oncle lubrique et tyrannique de Hideko, qui lui a infligé des séances de lecture pornographiques face à une assemblée d’hommes émoustillés qui règnent en maîtres dans la demeure et contre lesquelles les deux héroïnes vont allier leurs forces.
Kaboom
Présentée dans la section “Un certain regard” à Cannes en 2010, la comédie adolescente psychédélique de Gregg Araki avait remporté la première Queer Palm du Festival, volant la vedette aux Amours imaginaires de Xavier Dolan.
Les bases scénaristiques de Kaboom sont celle du classique campus movie, de ses personnages archétypes et de ses histoires de coucheries : Smith, un étudiant en cinéma à la libido débordante, jongle entre Stella, sa meilleure amie lesbienne et London, son plan cul tout en fantasmant sur Thor (ça ne s’invente pas), son coloc blond, surfeur, simplet et hétéro qui pratique l’autofellation.
Comme dans de nombreux campus movies (et comme dans Smiley Face du même Araki trois ans plus tôt), l’ingestion de space cake va venir chambouler leur petite organisation et persuadera Smith d’avoir assisté au meurtre de la fille qui hante ses rêves, le mettant sur la trace d’un complot d’envergure.
Les aventures de ce trio bisexuel deviendront ensuite une sorte de théâtre hallucinatoire où leurs délires oniriques viendront s’entremêler à leurs expérimentations sexuelles, à la façon d’un rêve érotique un peu chelou, tendance science-fiction.
Sa mise en scène très pop et sa pléiade de punchlines font de Kaboom une ode à la jouissance et à l’adolescence sous forme de trip sous acide.