Que peut-on imaginer de pire que de passer un été sans festivals ? Peut-être deux étés sans festivals ? Cet été, celles et ceux qui ne rêvaient que de découvrir de nouvelles sonorités en pataugeant dans la boue, une bière trop chère à la main et des lunettes de soleil flashy dans les cheveux, ont dû se résigner. Il se pourrait que l’année 2021 ne leur réserve pas un meilleur sort. Les festivals qu’on aime tant pourraient n’être de retour qu’en 2022 ou même 2023.
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Même si certains festivals innovent et tentent de s’adapter à la situation en modifiant leurs modalités d’organisation, l’heure est à l’inquiétude. D’après une enquête du site Les Jours, un décret pourrait prochainement être promulgué afin de prolonger l’interdiction des concerts debout jusqu’à mars 2021. La suite est évidemment incertaine.
“Le rock et le metal ne peuvent pas se faire avec un public assis. Il nous reste neuf mois avant l’édition 2021 du Hellfest. […] Je garde espoir mais je crains le pire”, a confié Ben Barbaud, le patron du plus gros évènement de metal extrême français, au Figaro début octobre. Les amoureux du festival clissonnais sont loyaux : seul 0,1 % d’entre eux a demandé le remboursement de son billet.
Le cap de l’année blanche a pu être passé sans trop de dégâts, mais qu’en sera-t-il si l’événement est à nouveau annulé ? “Je pense que certains festivals qui dépendent beaucoup de l’argent public comme Avignon seront sauvés. Eux peuvent jouer assis. Mais pour les deux plus gros festivals que sont le Hellfest et Les Vieilles Charrues, c’est plus compliqué”, estime Ben Barbaud.
Deux milliards de pertes pour les concerts et festivals français
D’après Jean-Yves Cavin, le directeur du Cully Jazz Festival, interrogé par Trax Magazine, “faire venir plusieurs dizaines de milliers de personnes au même endroit en quelques jours” est absolument irréaliste à l’horizon 2021. Marc Geiger, cofondateur du Lollapalooza, estime de son côté que les six prochains mois seront plus douloureux que ne l’ont déjà été les six derniers. Difficile dans ce contexte d’être optimiste à l’idée d’un rapide retour à la normale.
“Les pertes pour le spectacle musical vivant en France sont estimées entre 1,7 et 2 milliards d’euros”, déclarait Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique (CNM) au journal La Tribune en juin dernier. Comment les festivals français, dont le nombre est estimé entre 3 000 et 6 000, survivront-ils à cette crise si les organisateurs sont contraints d’annuler leur édition 2021, et peut-être même les suivantes ?
Pour tenter d’apporter des réponses à cette épineuse question, le ministère de la Culture a doté le “fonds estival”, destiné à soutenir les manifestations culturelles fragilisées, de cinq millions supplémentaires, soit la moitié du montant initial.
L’organisateur du Hellfest parle d’un “effet d’annonce du gouvernement” et regrette la “lourdeur administrative” qui empêche les festivals de toucher les aides rapidement. Peut-être faudra-t-il encore patienter de longs mois avant de pouvoir fréquenter à nouveau les festivals “du monde d’avant” avec un retour en 2022. D’ici là, on peut espérer des innovations de la part des festivals, à l’image de Rock en Seine qui avait réussi à organiser un “festival des festivals”.