Il fallait s’occuper et pendant le confinement, les cours de dessin et autres coloriages paraissaient être l’option artistique la plus épanouissante dans le monde aux airs de dystopie dans lequel nous étions plongé·e·s. Un bon nombre de confiné·e·s s’est notamment mis aux nus, un genre très exploité, mais finalement assez underground à pratiquer. “Peins-moi comme l’une de tes Françaises”, disait Rose à Jack dans Titanic. On s’en souvient.
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Pour Hyperallergic, la journaliste Angelica Frey a détaillé ses longues séances sur Zoom, durant le confinement. Pour chaque séance, il y avait un·e modèle, préparé·e à l’avance. Une règle : que toutes les caméras soient activées pour créer un safe space et éviter les trolls de l’ombre. On appelle cela le “Zoom Bombing”.
Dans le cours de Frey, on peut voir des modèles vivant·e·s prendre des poses lascives ou exhiber des équipements quelque peu SM. Durant les séances auxquelles elle a participé, il arrivait que les modèles restent immobiles pendant plus de vingt minutes, selon les demandes des illustrateur·rice·s en herbe, ce qui pouvait donner des scènes cocasses.
Un nouvel espace de créativité… avec des lacunes
© Angelica Frey/Hyperallergic
Contrairement aux cours habituels, les modèles ne se trouvaient pas dans un atelier ou un studio, mais dans leur chambre ou leur salon. Les participant·e·s n’ont malheureusement pas accès à un autre angle que celui proposé par les modèles vivant·e·s. Ceci introduit un autre niveau de collaboration entre artistes et modèles, ces dernier·ère·s étant plus décisionnaires de ce que les premier·ère·s dessinent. Autre bon point : personne ne peut zyeuter sur le dessin de l’autre, ce qui fait disparaître tout le stress de la performance. Chacun·e peut dessiner sans réserve et s’enfermer dans son monde… ensemble.
En revanche, la journaliste note que la caméra déforme toute l’expérience intuitive des cours de dessin IRL et pose des problèmes de perception ou d’échelle : “L’aplatissement et la distorsion qui se produisent à travers l’objectif de la caméra et l’écran de l’ordinateur, ainsi que la maladresse d’avoir à fournir des directions de scène à distance, en font un lieu moins idéal pour étudier la forme humaine de la vie.“
Les ombres de l’écran et la qualité des visioconférences Zoom ne reflètent pas les nombreuses nuances de couleurs réelles des corps. Pour réussir son dessin, il vaut mieux donc faire preuve d’imagination, plutôt que simplement copier la réalité. Il s’agit aussi d’avoir une bonne notion de l’anatomie humaine, selon Michael Smith, directeur de la sécurité à la New York Academy of Art, qui animait certains cours. Un conseil que l’on peut appliquer pour tout autre forme d’art.
© Angelica Frey/Hyperallergic
Toutefois, elle nuance : “Ces derniers mois, cependant, les cours en ligne ont permis […] d’offrir aux artistes, tant professionnels qu’amateurs, la possibilité d’étudier la forme et la composition à distance.” Rien ne vaut une séance IRL, mais il faut reconnaître que durant la période anxiogène de l’épidémie, où tous les corps étaient mis à distance, ces cours de dessin en ligne étaient pour beaucoup un refuge et un moyen de créer une certaine proximité dans leur solitude. Des initiatives ont pullulé pour pouvoir occuper ce monde confiné, à l’instar de celle de la Society of Illustrators qui organise des séances nocturnes avec des modèles vivant·e·s drag-queen ou danseur·se·s burlesques.
Angelica conclut en qualifiant cette expérience d’enrichissante, même si elle ne sait toujours pas dessiner les plis, draps et mains. Il est toujours assez impressionnant de voir les différentes versions et interprétations possibles d’une même scène, quand chacun·e exhibe son dessin à la fin du cours.
© Angelica Frey/Hyperallergic
Pour lire l’expérience entière d’Angelica Frey, c’est sur Hyperallergic que cela se passe.