Dans une rue calme bordée d’orangers, à l’abri des regards et du tumulte athénien, la maison du célèbre artiste grec Alekos Fassianos regorge de curiosités et d’œuvres insoupçonnables, en attendant l’ouverture d’un musée à son nom à l’automne 2022.
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À l’entrée de la maison à trois étages, semblable à ses voisines, seul un discret profil en bronze et deux oiseaux emblématiques de l’artiste confirment qu’on est bien chez Alekos Fassianos, Matisse des temps modernes, connu dans le monde entier pour ses personnages de la mythologie et du folklore grecs.
“Bienvenue dans l’univers de Fassianos”, sourit sa fille Viktoria. “C’est une maison d’artiste, un musée où l’on vit”, dit-elle à l’AFP. “Tout a été conçu et créé par lui, à la main, petit à petit, comme un petit paradis”, explique-t-elle en désignant fièrement les tringles à rideau, les poignées de porte, les luminaires, le canapé au design contemporain, la couleur ocre des plâtres.
© Catherine Panchout/Sygma via Getty Images
La maison ne se dévoile que rarement. On admire les vitres ornées d’un soleil en fer forgé, les mosaïques au sol ou encore la rampe d’escalier en feuilles de bambou sculptées. Même les murs aux courbes douces ont été voulus sans le moindre coin “pour ne pas se faire mal”. Dans une pièce voisine, Alekos Fassianos se repose, il vit encore chez lui mais son état de santé ne permet pas de lui parler, précise sobrement sa fille. Il a eu 86 ans le 25 octobre et il a posé son pinceau depuis 2019.
À l’étage, il reste ses feuilles d’or et ses pinceaux oubliés dans un tiroir de son atelier. Mais sa maison de Papagou regorge toujours de peintures, lithographies, céramiques et tapisseries, accrochées ou adossées aux murs, dont certaines rejoindront le futur musée Fassianos.
“Mon père a tout prévu mais il en a laissé la réalisation aux historiens du futur, il n’a jamais voulu prendre de responsabilités”, ajoute Viktoria, à propos du musée qui ouvrira ses portes à l’automne 2022. Le vieil immeuble du centre d’Athènes qui l’abritera a été entièrement repensé par l’artiste avec son ami architecte Kyriakos Krokos.
“La grécitude” en inspiration
De Paris à Munich, de Tokyo à São Paulo, les œuvres de Fassianos ont fait le tour du monde. Mais “la grécitude a toujours été son inspiration, de la mythologie à la Grèce contemporaine”, souligne sa femme Mariza. Où qu’il aille, Fassianos voulait garder sa “vision”, ses origines et ses souvenirs.
© Catherine Panchout/Sygma via Getty Images
“Il a toujours cru qu’un artiste doit créer avec ce qu’il connaît”, observe-t-elle. Il disait : “Ce que je connais, c’est la Grèce, le ciel est bleu, alors je peins en bleu, je connais les îles grecques, la mer, les vagues… “ Le peintre qui inventait lui-même ses couleurs a aussi beaucoup peint en rouge, la teinte qui recouvrait la chambre de son enfance pour “donner une impression de chaleur”, ou en ocre, inspiré par l’artisanat traditionnel grec.
Sur les toiles et dessins éparpillés à son domicile, échantillon de sa prolifique production, on retrouve le cycliste qu’il croisait enfant en allant à la plage, la chevelure redressée par le vent telle que décrite dans ses lectures de la mythologie ; les poissons de Kea, son île favorite ; les vagues rondes comme dans l’Odyssée ; l’oiseau aux ailes déployées… Autant de signatures emblématiques de son œuvre.
Le coloriste aux multiples talents a partagé sa vie entre la Grèce et la France, où il a étudié la lithographie à l’École nationale des Beaux-Arts et côtoyé écrivain·e·s et peintres, à l’instar de Matisse qu’“il admirait beaucoup”. “Alekos disait que tout commence par quelque chose”, rapporte son épouse, mais il se défendait d’avoir été inspiré par un·e artiste plutôt qu’un·e autre et préférait se revendiquer de “77” influenceur·se·s.
Refusant toutes les contraintes, “Alekos a toujours voulu rester libre et faisait ce qu’il voulait”, traçant, sans ombre ni perspective, ses personnages puisés dans la mythologie, l’art byzantin ou naïf. Dans sa maison de Papagou, Fassianos travaillait à même le sol ou griffonnait sur le coin d’une table. Et “il détruisait ce qu’il n’aimait pas”, soupire son épouse, “je pleurais, mais il savait mieux que moi ce qu’il fallait garder”.
Konbini arts avec AFP.