Avec 200 œuvres présentées pour la première fois en France, les Rencontres photographiques d’Arles mettent en avant, jusqu’au 25 septembre 2022, le travail d’avant-garde féministe de performeuses dans les années 1970. Dans l’immense salle de l’Atelier de mécanique générale, les œuvres exposées racontent ces artistes militantes qui se sont emparées de l’art de la performance et de l’image.
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Après la révolution sociale de Mai 68, les mouvements féministes se multiplient dans le monde et les victoires s’enchaînent, notamment en Europe et aux États-Unis, avec le Mouvement de libération des femmes en 1970, l’arrêt Roe vs Wade qui marque la légalisation de l’IVG (aujourd’hui remis en cause) en 1973, ou encore l’inscription dans la loi allemande de l’égalité des hommes et des femmes au travail en 1980.
Pourtant, rares sont les femmes qui vivent de manière indépendante, et la plupart sont renvoyées à leurs rôles d’épouse et de mère. Une condition dénoncée avec humour par l’Autrichienne Birgit Jürgenssen, qui se met en scène en femme au foyer parfaite, coupe au carré et col Claudine, écrasant son visage et ses mains contre une fenêtre où elle écrit : “Je voudrais sortir d’ici !”
En dehors du foyer, l’occupation de l’espace public par les femmes, thématique toujours d’actualité, est au cœur du montage de Marianne Wex, qui livre, à travers un découpage de photos de magazines, une analyse du langage corporel et, plus particulièrement, du manspreading : des hommes posent jambes grandes ouvertes, menton haut, regard droit tandis que des femmes serrent leurs cuisses, rabattent les bras contre le buste, la tête inclinée.
Dans l’exposition, le public est frappé par le nombre d’artistes sujets de leurs propres photos, notamment par manque de moyens pour recruter des modèles, explique à l’AFP la commissaire de l’exposition, Gabriele Schor : “Ce n’étaient pas véritablement des autoportraits. Elles montrent leur propre corps dans un but plus général, c’était la première fois dans l’histoire que tant d’artistes montraient l’image de femmes vues par des femmes, dans un véritable esprit de conquête.”
Jusqu’au milieu des années 1980, selon Gabriele Schor, “s’il y avait une exposition collective, les femmes en étaient la plupart du temps exclues”, résume-t-elle. “Depuis dix à vingt ans”, constate la commissaire, “beaucoup plus de femmes ont accédé à de bons postes dans les musées, elles ont du pouvoir et elles ont plus de volonté d’exposer le travail des femmes”.