Que vous soyez en France ou ailleurs, que vous soyez team Atlantique ou Méditerranée, que vous préfériez l’eau chlorée ou salée, voire que vous alliez plutôt à la montagne qu’à la mer, au fond qu’importe : l’été, les vacances, c’est le parfait moment pour se plonger dans les lectures.
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On vous propose donc 20 lectures différentes, toutes sorties depuis le début de l’année, histoire de rester sur des œuvres encore dans l’actualité. 4 romans, 4 essais sur le cinéma, 3 mangas, et 9 BD. Déséquilibré, certes, mais on a fait en fonction de nos derniers coups de cœur. Et surtout, on a fait attention à ce que chaque œuvre soit foncièrement différente, qu’il y en ait pour tous les goûts, pour de vrai.
Voilà 20 titres que vous ne regretterez pas d’embarquer dans votre valise.
Romans :
( © Les éditions de minuit / Actes Sud / Monsieur Toussaint Louverture / Marchialy)
Monument National de Julia Deck (les Éditions de Minuit)
Après le huis clos bobo et écolo de Propriété privée, Julia Deck enferme bourgeois et prolétaires dans un château pour une enquête digne des meilleures parties de Monopoly vue par les yeux d’une enfant de huit ans. Cette propriété-là appartient à Serge Langlois, ancienne gloire du cinéma français et le monument national du titre, sorte d’avatar d’Alain Delon, Gérard Depardieu et Johnny Hallyday, qui vit avec sa jeune femme, ex-Miss Provence-Alpes-Côte d’Azur reconvertie en star d’Instagram, et leurs deux enfants adoptifs.
Et en invités surprises, les Gilet jaunes, les grèves nationales et le Covid-19 dans ce roman autopsie du quinquennat Macron qui jongle entre suspense, politique et humour noir.
Connemara de Nicolas Mathieu (Actes Sud)
Après un second roman couronné du prix Goncourt qui plongeait les lecteurs au cœur d’une adolescence remplie de petits riens et de grands vides, Nicolas Mathieu persiste et signe avec Connemara, diminutif des “Lacs du Connemara” de Michel Sardou, emblème de deux Frances. Celle d’Hélène, originaire de Cornécourt en Lorraine et transfuge de classe, qui mille fois s’est égosillée sur le célèbre “tatatatatatatam” dans les soirées des écoles de commerce et des cabinets de conseil parisiens qu’elle a fréquentés. Et celle de Christophe qui lui, n’a jamais quitté Cornécourt, vend de la nourriture pour chiens, vit avec son père et son fils, rêve de retrouver sa fougue de champion de hockey de 15 ans et pour qui la chanson de Michel Sardou est toujours une réalité.
Outre un portrait sociologique de la France toujours aussi pertinent, Nicolas Mathieu nous offre une nouvelle fois un très grand roman sur l’adolescence et le temps qui passe.
Blackwater, Vol.1 à 6 de Michael McDowell (Toussaint Louverture)
Le récit tiendrait en un seul livre, assez gros mais quand même. Mais c’est là que réside tout le plaisir de cette première édition française de Blackwater. Car non seulement, Monsieur Toussaint Louverture a fait un superbe travail (les livres sont très beaux et de belle qualité), mais en plus, l’éditeur a repris le style de l’original. Car McDowell, qui parlait de lui-même comme un auteur “commercial” (alors qu’il est tout de même le cocréateur de Beetlejuice et Mr Jack), avait sorti en 1983 outre-atlantique ces récits d’une riche famille faisant face à l’arrivée d’une jeune femme trouble, en six épisodes, à deux semaines d’intervalles. Il fut de même ici, chacun des six volets tous les 14 jours entre le 7 avril et le 17 juin. Bon, tous sont disponibles maintenant, mais le plaisir reste le même, pour ce petit événement.
Commissaire Versiga de Raphaël Malkin (Marchialy)
Le journaliste Raphaël Malkin a croisé le chemin de ce commissaire Versiga, vieux de la vieille qu’on appelle “La Machine”, au détour d’un reportage. Sentant qu’il tenait là un gros poisson, il décide de rester auprès de cet officier, et de le sonder sur l’affaire d’une carrière : celle du cadavre d’une femme retrouvée en plusieurs morceaux en 1977, et dont le cas n’a été réouvert qu’en 2010. L’histoire d’un “cold case” dont l’enquête durera 10 ans, et qui raconte au passage, à travers son personnage central, un bout de l’histoire des États-Unis.
Essai sur le cinéma :
(© Marest Editeur / Capricci / Carlotta Films / Playlist Society)
Camp : Volume 2 : Pop Camp, Comédie et film musical de Pascal Françaix (Marest Editeur)
Pas besoin d’être un immense connaisseur du concept issu de la culture queer, qu’est le “camp”, pour savourer cette étude cinématographique de cette notion, cette attitude, à travers le septième art. Après un premier volet riche centré sur le cinéma horrifique et d’exploitation, Pascal Françaix explore les transgressions, les clichés et l’impact du Camp dans le cinéma grand public, les comédies (musicales ou non) — qu’il s’agisse de chef-d’œuvre de Bob Fosse, ou des nanars avec Gene Kelly en rollers (oui oui). Et c’est à mettre entre les mains de tous les curieux de ce qui constitue la sphère LGBTQIA+. Et les autres.
Actrices-sorcières de Thomas Stélandre (Capricci)
Depuis quelque temps maintenant, la figure de la sorcière dans l’histoire, et la culture est étudiée, réévaluée, et comparé à l’histoire des femmes de ces derniers siècles. En se penchant sur la figure de ce qu’il appelle ces actrices-sorcières, comprendre ces femmes qui, de leur envie d’indépendance ou leur manière de jouer spectaculaire, ont été mis sur les bancs de l’industrie — et de la société. Une étude libre de la part de ce journaliste de Libération, qui montre comment la crainte du patriarcat a poussé des femmes comme Jeanne Moreau, Béatrice Dalle ou même Tilda Swinton loin des projecteurs — temporairement en tout cas. Un autre regard sur l’histoire du septième art aussi percutant que nécessaire.
Il y a bien longtemps, dans une salle de montage lointaine, très lointaine de Paul Hirsch (Carlotta)
Si on vous cite Star Wars, Carrie au bal du diable, Mission : Impossible premier du nom, ou encore La Folle Journée de Ferris Bueller, vous pouvez nous donner le nom du casting, et de la personne derrière la caméra, mais pas le seul vrai lien commun : à savoir Paul Hirsch, le célèbre monteur au CV hallucinant. Carlotta vient de traduire ses mémoires, réalisant l’impact que peut avoir ce métier de l’ombre — des galères techniques, à la manière dont ça peut sauver un film, comme pour Obsession de De Palma, par exemple. Au fil des anecdotes, l’artiste raconte son parcours et les collaborateurs qui ont pavé son chemin. Indispensable à tout cinéphile aguéri.
Mad Max, au-delà de la radicalité (Playlist Society)
Il y a quelques semaines, Lloyd Chéry, papa du très bon podcast “C’est plus que de la SF”, avait proposé une série de plusieurs épisodes concernant la franchise de George Miller. Nico Prat, Manouk Borzakian, Alexandre Mathis, Elise Lépine et Erwan Desbois y signaient des chroniques et analyses, qui se retrouvent réunis ici. Pour tout amoureux de la saga, ou ceux qui voudrait mieux saisir l’importance de celle-ci, alors qu’un cinquième est en cours de préparation. Parfait pour la canicule, en tout cas.
Mangas :
(© Pika Éditions / Cornélius / Kana)
Rokudenashi Blues de Masanori Morita (Pika Edition)
Si vous approchez les 25 ans ou les avez dépassés il y a peu, vous avez peut-être connu l’époque de Racaille Blues dans J’ai lu aux débuts des années 2000. Une œuvre plus importante qu’il n’y paraît. Rien que pour la manière dont il a permis d’offrir aux lecteurs du Weekly Shonen Jump, où il était publié sur sa terre natale, un récit plus ancré dans le réel, plus éloigné de la fantasy d’un Saint Seya ou d’un Dragon Ball. Mais surtout parce qu’il a été l’introduction du furyô en France, après l’avoir sublimé au Japon.
Bref, l’épopée du lycéen boxeur et sa bande signée Masanori Morita, revient enfin en France, après être devenu une rareté coûtant une fortune, et c’est à lire au plus vite.
Le Voyage de Kitaro de Shigeru Mizuki (Cornélius)
Il y a 100 ans naissait un homme important de l’histoire du manga. Pas pour rien que l’on a célébré ce grand Shigeru Mizuki dans une expo lors du dernier Festival d’Angoulême. Bel hommage de la part de Cornélius, la maison qui a rendu célèbre le bonhomme en France, en dévoilant des inédits de son héros phare, Kitaro le Repoussant. Avec toujours autant de monstres, mais cette fois pas ceux du pays du soleil-levant. Comprendre que notre yokai borgne fait face à la mythologie européenne, de Dracula au Loup-Garou.
V2 Panzer de Leiji Matsumoto (Kana)
Que vous soyez fan ou non du travail de Matsumoto, l’homme derrière Albator ou encore Galaxy Express, on met notre main à couper que vous n’aviez jamais lu les aventures de Savior Serazad à moto dans un monde postapocalyptique façon Mad Max. Et pour cause : V2 Panzer n’est jamais sorti en France, uniquement au Japon en 1987. Un indispensable de l’été, donc.
BD :
(© Sarbacane / Futuropolis / Dargaud / Misma / Aire Libre / BD Cul / Glénat / Atrabile / Urban Comics)
Morgane Fox de Louise Laborie (Sarbacane)
Voir un projet de diplôme des Arts Déco sortir directement chez Sarbacane en grand format cartonné, c’est pas commun. Peut-être que la maison d’édition a vu dans le talent de Louise Laborie un beau pari pour l’avenir. Peut-être a-t-elle aimé le style de dessin arrondi et à sa colorométrie faussement naïve. Peut-être que c’est la vraie fausse enquête surréaliste d’une collégienne partie à la recherche de son héros préféré qu’ils ont aimé. Qu’importe : chez nous, ça a pris.
Breakwater de Katriona Chapman (Suturopolis)
Le crayonné est épais, le noir et blanc contrasté, la mélancolie omniprésente, la lenteur est reine, tout comme la nostalgie, et la beauté de l’ennui. Cette histoire d’amitié entre une employée d’un cinéma à l’abandon de Brighton et un nouvel arrivant, qui va lui redonner de la force dans un premier temps, est une des plus belles choses que l’on a pu lire ces derniers mois. On comprendrait qu’elle vous tombe des mains, mais aussi que vous en tombiez amoureux comme nous.
Feuilles Volantes d’Alexandre Clérisse (Dargaud)
Alerte chef-d’œuvre. On était habitué à voir Alexandre Clérisse toujours accompagné de son comparse, l’auteur Thierry Smolderen. C’est en solo qu’il nous pond cette triple boucle de destin à travers le temps qui rendrait jaloux Christopher Nolan. Comme d’habitude avec l’artiste, graphiquement, c’est à s’en décrocher la mâchoire. Mais surtout, on ne se perd jamais dans cette intrigue qui part dans tous les sens. Une réussite de A à Z.
L’Institut des Benjamines d’Anne Simon (Misma)
On vous le dit tout de suite : pas besoin de connaître les quatre précédents volets des contes de Marylène que l’autrice Anne Simon a lancée il y a plus de dix ans pour savourer L’Institut des benjamines, le nouveau bijou signé Misma. On vous conseille bien entendu de vous jeter sur la série entière, mais ce nouveau livre, à lui seul, se suffit, que l’on connaisse bien Simone Michel, ou non. C’est, dans tous les cas, toujours un plaisir inégalé.
Le bestiaire du crépuscule de Daria Schmitt (Aire Libre)
Recevoir un compliment de la part de l’immense Philippe Druillet pour une adaptation de H.P. Lovecraft, l’homme à l’univers adoré de tous mais si complexe à s’approprier, doit dérouter, rassurer ou inquiéter. Pourtant, il semble bien que Druillet ait raison : Schmitt n’a pas seulement compris l’univers qu’elle veut exploiter, elle réussit à se l’approprier, à parler du présent alors même que la nouvelle n’est pas toute récente. Très beau, très bien fait, très agréable. Parfait pour l’été donc.
Érections Présidentielles de Willem (BD Cul)
Willem a cédé début 2021 sa place de dessinateur chez Libé, qu’il avait depuis 40 ans tout de même — la laissant à la grande Coco. Son premier ouvrage post-Libération sera donc un BC Cul, cette désormais célèbre maison d’édition qui permet à des auteurs·rices de pondre ce qu’ils veulent, tant que c’est lié à du sexe. Willem, 81 ans, décide lui de raconter l’histoire de la Ve République, et ses anecdotes, sous le prisme d’histoire de cul complètement fictive. Enfin, on le souhaite. Graveleux, certes, mais drôle.
R.U.R. de Katerina Cupova et Karel Capek (Glénat)
Notez-le : ce titre sera sans nul doute dans nos BD préférées de 2022. Un vrai coup de cœur, autant pour la patte graphique de l’ouvrage qui semble être un hommage aux débuts des strips américains, magnifiquement mis en couleur, que pour son histoire. Une adaptation libre de la pièce créée il y a 100 ans par Karel Capek du même nom — où apparaissait le mot “robot” pour la première fois —, qui montre que ce qu’était la SF autrefois. Aussi fascinant que magnifique.
Venera de Joseph Callioni (Atrabile)
8 ans après son très beau La Planète impossible, l’auteur a abandonné son crayonné noir et fin. Enfin, à moitié, puisque Venera alterne différents styles entre chaque chapitre, réadoptant parfois ses anciens traits. Parfait parti pris pour accompagner un récit sclérosé, où l’on tente de sauver l’humanité dans une démarche assez surprenante. Une belle surprise, qui va en laisser certains de côté sans doute, mais qui peut aussi vous enchanter.
Rorschach de Tom King et Jorge Fornés (Urban Comics)
Il y avait pas mal de comics intéressants sortis depuis le début de l’année, mais cet alignement d’étoiles nous a particulièrement marqués. Prenez l’auteur qui a le plus le vent en poupe chez DC, Tom King. Laissez-le écrire une intrigue liée aux Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, mais cette fois-ci, en créant un lien avec l’incroyable série HBO de Damon Lindelof. Comprendre un truc pas réellement rattaché à l’univers, où un candidat populiste à la présidentielle se fait tuer par des assassins, dont un portant le masque de Rorschach. Ajoutez-y un message politique bien costaud. Donnez les clés de la machine au dessinateur Jorge Fornés, et vous aurez un des (très) rares bons spin-off des héros de Moore.
Article écrit par Arthur Cios et Manon Marcillat.