Qui n’a jamais rêvé de visiter les lieux emblématiques où nos artistes préférés sont passés ? Je l’ai fait.
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8 Mile / Eminem<br>© Universal Studios
Comme tout bon gamin né dans le milieu des années 1990 qui se respecte, j’ai grandi avec la musique d’Eminem. Je m’en souviens encore : à 8 ans, je découvrais le clip de “Lose Yourself”, titre phare du rappeur blanc, venu habiller et sublimer son film semi-autobiographique 8 Mile. C’est la claque immédiate. Depuis, le virus Slim Shady que m’a inoculé cet alter ego démoniaque ne m’a jamais quitté allant même jusqu’à faire de Marshall Mathers mon rappeur préféré.
En voyage à Détroit récemment, l’occasion était trop belle. Si je n’ai pas une seconde caressé l’illusion d’espérer rencontrer Marshall Mathers sur place, je m’imaginais déjà marcher sur ses traces, en me rendant dans quelques-uns des lieux qui ont forgé sa légende. En amont de mon départ pour la Motor City, j’ai donc planifié mon parcours de pèlerinage. Entre émotion et excitation, je vais vous raconter tout ça.
8 Mile (8 Mile Road)
Impossible de parler d’Eminem sans évoquer 8 Mile, le quartier où il a grandi. À défaut de prendre le bus comme dans le film éponyme, je m’y rends en voiture, en compagnie de Zach, gérant de l’auberge de jeunesse où j’ai posé mes bagages, Hostel Detroit, et mon guide pour cette excursion. Nous longeons alors la fameuse 8 Mile Road, les morceaux “Lose Yourself” et “8 Mile” dans l’autoradio pour favoriser l’immersion. Une fois arrivé, l’excitation m’envahit, tout autant que l’appréhension. En effet, ce quartier bien que devenu célèbre grâce à Eminem reste encore l’un des plus dangereux de la ville. Il ne faut donc pas s’y rendre n’importe quand.
8 Mile Road
En milieu d’après-midi, il n’y a pas un chat. Pourtant, je ne suis pas serein. Il est vrai que voir toutes ses roulottes vides (dont certaines ont les vitres brisées par des impacts) fait froid dans le dos. Cette atmosphère est couplée au silence pesant du quartier. Je me sens observé et oppressé. Malgré tout, je prends plaisir à traverser ce lieu iconique. Seule ombre au tableau, la maison d’enfance d’Eminem (située un peu plus loin au 19946 Dresden Street et visible sur les pochettes de ses albums MMLP et MMLP II) a été ravagée par les flammes en 2013, peu après la sortie de son album. En lieu et place ne se trouve plus rien, même si la demeure est encore localisable sur Google Maps.
Quartier 8 Mile. (© Danya Ensing)
Quartier 8 Mile (© Danya Ensing)
Quartier 8 Mile (Photo : Danya Ensing)
Quartier 8 Mile. (© Danya Ensing)
Quartier 8 Mile (Photo : Danya Ensing)
Le Gilbert’s Lodge
C’est bien connu, avant de devenir un rappeur de légende, Marshall Mathers a galéré. Entre autres, il peinait à subvenir aux besoins de sa famille nouvellement agrandie par l’arrivée de sa fille Hallie. N’ayant pas encore percé dans la musique, il fut obligé d’enchaîner les boulots précaires. Ainsi, de 1996 à 1998, il travailla dans les cuisines du Gilbert’s Lodge, un bar/restaurant historique situé à Saint Clair Shores, à quelques kilomètres de Détroit. Il s’est malheureusement fait virer, sans doute parce qu’il n’arrêtait pas de rapper et d’écrire pendant ses heures de service. La suite fait partie de l’Histoire.
Logo du Restaurant Gilbert’s Lodge à Détroit
A l’intérieur du Gilbert’s Lodge
Le Gilbert’s Lodge (Photo : Danya Ensing)
Après m’avoir apporté une bière, une serveuse me confie : “Eminem est revenu il y a peu. Il revient de temps en temps lorsqu’il est de passage à Détroit pour voir certains de ses anciens collègues qui bossent encore ici.”
The Original Hip-Hop Shop
Localisé sur 7 Mile, The Original Hip-Hop Shop est le magasin ouvert en 1993 par le designer Maurice Malone. En plus d’y trouver les dernières sapes et les disques de rap du moment, c’est ici que les MC de Détroit se rendaient pour se forger une réputation lors de soirées open mic. Vous l’aurez compris, Eminem a débuté en ces murs. Seulement voilà, lorsque je me retrouve devant, je constate que le local a été réaménagé en studio d’enregistrement.
The Original Hip-Hop Shop sur 7 Mile
J’insiste un peu, et les MC locaux venus faire du son me laissent finalement entrer. Je constate alors que la boutique d’hier est bel et bien vidée de tous ses produits. Les seules traces qui restent du passé sont le logo de l’enseigne marqué au sol et quelques noms gravés sur l’ancien Wall of Fame de ce haut lieu du rap de Détroit. Celui d’Eminem n’est plus malheureusement.
Les studios d’Eminem
Non loin de là, deux studios appartenant à Eminem. Le 54 Sound et le studio 1545. C’est en ces lieux plutôt bien cachés qu’il a enregistré ces albums The Marshall Mathers LP et The Eminem Show, puis Relapse. Impossible malheureusement d’y pénétrer, même pour un journaliste. J’ai bien tenté, mais je me suis vite fait rembarrer par les agents de sécurité qui m’ont accueilli avec un ferme “Get away from here”. Tranquille les gars, tranquille…
Studio Sound 54, là où Eminem a enregistré ses albums <em>The Marshall Mathers LP</em> et <em>The Eminem Show.</em> (Photo : Danya Ensing)
Studio 1545, là où Eminem a enregistré Relapse. (Photo : Danya Ensing)
Studio 1545, là où Eminem a enregistré Relapse (Photo : Danya Ensing)
Rest in Peace Proof
Dans le clip de “Like Toy Soldiers”, Proof, membre de D12 et ami d’Eminem joue le rôle d’un rappeur se faisant tuer lors d’une fusillade. Sauf que le 11 avril 2006, soit quelques mois après la sortie de la vidéo, la réalité dépasse la fiction. Proof perd la vie. Les fans savent ô combien ce pilier du rap de Détroit est important dans la carrière de Marshall. Il me fallait donc obligatoirement me rendre au Woodlawn Cemetery, là où il est enterré, pour lui rendre hommage. Pour l’anecdote, DeShaun Holton, de son vrai nom, repose dans le même mausolée que Rosa Parks.
La tombe de Proof au Woodlawn Cemetery. (Photo : Danya Ensing)
Michigan Central Station
Dans le quartier de Corktown, à deux pas de Hostel Detroit, se trouve la Michigan Central Station, l’ancienne gare ferroviaire de Détroit. Laissé à l’abandon après sa fermeture le 6 janvier 1988, ce monument imposant est pourtant toujours debout et figure parmi les plus célèbres de la ville : le symbole d’une ville ravagée par la crise.
Michigan Central Station à Détroit (Crédit : Jérémie Leger)
Detroit Central Station (Crédit : Jérémie Leger)
Quel rapport avec Eminem, me direz-vous ? Eh bien c’est à l’intérieur qu’il a tourné le clip de son morceau “Beautiful”, extrait de l’album Relapse sorti en 2009. Autour, tout est condamné et les agents de sécurité veillent à ce que des aventuriers de l’urbex ne s’approchent pas trop près. En d’autres termes, il est quasi-impossible de pénétrer dans l’enceinte de l’ancienne gare. À l’exception de quelques rares créneaux de visite encadrés et organisés par la ville. Ou alors de s’appeler Eminem.
Burn Rubber
Burn Rubber est une célèbre boutique de sneakers située à Royal Oak, une petite ville commerciale voisine de Détroit. En éternel fan de chaussures, le Rap God y a fait un passage rapide fin 2017, dans le cadre d’une interview spéciale avec le magazine Complex. C’est également ici qu’il a tourné sa websérie en six épisodes baptisée “Detroit Rubber“. De passage dans la boutique, j’ai demandé à Jay, le vendeur, quelle était la paire favorite d’Eminem. Sa réponse ? La Air Max TN.
Saint Andrews Hall
Le Saint Andrews Hall est une salle de concert iconique de Détroit. C’est souvent ici que les rappeurs locaux, dont Eminem, ont fait leurs premières scènes. Hasard du calendrier, lors de mon séjour dans le Michigan, s’y produisait Yelawolf, ancien membre de Shady Records. Lorsqu’il commence à entonner “Best Friend”, sa collaboration avec Eminem, le public retient son souffle et caresse l’espoir que le rap god fasse une apparition surprise sur scène. Malheureusement, il ne viendra pas… Ce qui n’a pas empêché le rappeur d’Alabama de prononcer un discours émouvant en son honneur.
Devanture du Saint Andrews Hall
Ah et puisqu’on parle de ce morceau phare, c’est dans cette église, la Saint-Anthony Church, que le clip de “Best Friend” a été tourné.
Renaissance Center
Le Renaissance Center est un ensemble de sept gratte-ciel dont la totalité appartient à l’entreprise automobile General Motors. On y trouve à l’intérieur, des bureaux, des boutiques, des hôtels, des salles de conférences ou encore des restaurants. Cependant, c’est bien l’extérieur de ce lieu qui a intéressé Eminem. En effet, c’est autour de ce complexe que le rappeur a shooté la pochette alternative de son album Recovery. Représenter sa propre renaissance par le symbole de celle de sa ville, c’est plutôt habile.
Renaissance Center à Détroit (Jérémie Léger)
Pochette de l’album <em>Recovery</em> d’Eminem
Sur ce, je vous laisse, tous ces souvenirs m’ont donné envie de regarder 8 Mile une fois de plus.