À voir aussi sur Konbini
NextGen, c’est le format audio 100 % rap français et découverte de Konbini. Deux fois par mois, on invite un DJ, producteur ou beatmaker pour qu’il nous présente sa vision de la nouvelle génération du rap francophone à travers un mix d’une heure.
Dans ce neuvième épisode, c’est Laroza du label et boîte d’événementiel Clear Waters Production, nous partage sa vision du game.
Konbini | Présente-toi.
Laroza | Salut, moi, c’est Laroza, j’ai 23 ans et je suis DJ depuis bientôt trois ans. Je travaille avec Bnvsky, Rvchedi et plein d’autres personnes formidables au sein de Clear Waters Production, label et boîte d’événementiel grâce à laquelle j’ai pu mixer pour de nombreux artistes underground comme Rowjay, Beamer ou encore Serane. Je suis également en école d’art où j’apprends la peinture. J’écoute du rap depuis toujours.
La chose étant liée aux études que je fais et à mon appétit de découverte, j’ai très vite commencé à écouter des milieux plus cachés, moins connus, très variés et à faire de la musique avec les gens qui m’entourent : c’est ce que j’ai essayé de mettre en avant dans cette mixtape. Enfin, je fais aussi partie d’un collectif créé au sein de mon école d’art, la Goofy Entreprise, au sein duquel nous nous regroupons souvent pour faire de la musique et dessiner.
C’est quoi pour toi, la définition de la nouvelle génération du rap français ?
Pour moi, cette nouvelle génération se caractérise par l’époque dans laquelle elle a grandi, où elle a pioché ses références musicales, et par sa simplicité incroyable qui est de vouloir faire la musique qui lui plaît et qui lui correspond sans concessions.
Je m’explique : ces artistes ayant grandi dans les années 2000, ils ont eu accès à une très large variété de types de musique grâce à Internet et plus tard grâce à Soundcloud et les plateformes de streaming.
Les artistes de maintenant piochent donc dans un registre, le mélangent avec un autre et fusionnent le tout pour trouver le leur. S’inspirant largement du continent nord-américain, ces musiciens savent se mettre à jour et on remarque que le retard qu’a la France sur les États-Unis diminue : les connexions sont nombreuses, les artistes se reconnaissent et travaillent ensemble sur un pied d’égalité.
Ensuite, cette nouvelle vague est très largement portée par les producteurs. Ce sont eux qui découvrent et cuisinent la musique de demain. Maintenant, et ce depuis plusieurs années, ils sont souvent crédités dans les morceaux et les interprètes les placent au même niveau qu’eux, si ce n’est au-dessus, travaillant main dans la main pour créer la meilleure alchimie possible.
Enfin, cette nouvelle vague est bien sûr caractérisée par le fait maison : le grain, l’ambiance et la caractéristique que ces nouveaux sons proposent tiennent souvent à l’énergie présente lors de l’élaboration du morceau. La musique se fait à la maison, avec leur propre ordinateur, carte son et micro. Elle est partagée et discutée avec les amis présents à l’instant T. L’entourage échange, s’inspire, fait des pauses pour jouer à la play, et fait avancer petit à petit le morceau. La qualité de l’enregistrement, du mix, du master est secondaire : si le morceau plaît à tout le monde, un export rapide depuis FL studio, et c’est posté le lendemain. Cette rapidité, ce côté naturel et sans aucun calcul est pour moi l’essence de cette nouvelle vague souvent indépendante, et sacrément rafraîchissante.
Les courants sont donc très nombreux, comme la plug, les flows DMV, la rage, la sample drill, la jersey, la vampjerk, l’hyperpop, et chaque artiste propose son propre style et propre flow. Le rap se fait partout, à Paris, à Bordeaux, à Strasbourg, et même outre-Atlantique, à Montréal, en somme partout : la diversité est la clé du rap émergent.
Même s’il est impossible de donner un seul son qui représenterait tout ça, mais je choisirais “Sos” de Yuri Online qui est pour moi un point d’accès à un univers plus underground français.
Qui sont pour toi les trois rappeurs ambassadeurs de la nouvelle génération que tu as mis dans ton mix et pourquoi ?
Serane, Implaccable et Jwles. Les trois sont déjà plutôt reconnus, et sont novateurs dans leur manière de rapper.
Serane est l’un des piliers en France de la plug, style de musique de plus en plus populaire et venant tout droit des USA. Il a son propre entourage et se qualifie lui-même de CEO de la prise musique (plug music en français). C’est l’un des premiers a en avoir fait en France et il a participé grandement à l’essor de ce type de rap. Il travaille maintenant sur des morceaux parfois plus grand public, sa recette fonctionne et convainc chaque jour de nouveaux auditeurs. Très connecté avec l’Amérique, c’est un pont entre le vieux et le nouveau continent. Je vais donner le son “(L)oublie”, un de ces plus connu et qui montre son appétence pour la plug.
Implaccable est quant à lui moins connu que Serane, mais connaît une croissance folle dernièrement. Booké par Yard, connecté avec toute la scène rap actuelle, il propose son propre style, avec des flows très caractéristiques et des prods souvent sample drill et très catchy. Influencé lui aussi par les US, chuchotant parfois dans ces sons, mais toujours très énergique, il a su proposer quelque chose de nouveau. Je vais donner le son “2.6M”, qui par le sample et sa manière de rapper résume bien ce que j’ai dit plus tôt.
Enfin, Jwles, qui est l’artiste par lequel je suis rentré dans ce monde underground, est l’un des fers de lance de ce mouvement émergent : son flow DMV, la variété dans les productions, ses connexions avec Ed Banger, son style d’écriture : tout est qualitatif, et c’est l’un des rappeurs les plus connus dans cette NextGen. Il a su s’imposer en rappant comme il le voulait, en s’entourant de producteurs comme Mad Rey, de collectifs à l’instar de Red Lebanese. Comme les deux premiers, l’influence des US se fait sentir, au point qu’à ces débuts, il rappait en anglais. Je vais donner le son “Joe Da Zin”, morceau sorti chez Ed Banger et qui l’a véritablement propulsé au niveau supérieur.
Quels sont pour toi les trois producteurs ambassadeurs de la nouvelle génération que tu as mis dans ton mix et pourquoi ?
Je vais choisir Kosei, le duo Bricksy & 3G et TTdafool.
Kosei est un producteur ayant notamment travaillé avec la Fève. Leur album commun Kolaf a beaucoup participé au succès que connaît la Fève. Il produit des sonorités plutôt trap avec une recette bien à lui. Connecté à une grande partie de cette nouvelle scène il est important et reconnu par ces pairs. Son nouvel album regroupe ThaHomey, S.Téban, Rounhaa ou encore $souley et montre encore cette capacité qu’ont les beatmakers de maintenant créer leurs propres projets en invitant des rappeurs avec qui ils s’entendent. Je choisirais le son “Belle Somme” avec la Fève qui illustre bien tout ça.
Bricksy & 3G sont un duo de beatmakers originaires de Bordeaux et signés chez 33R, label de 8ruki, et sont connus dans la scène rap émergente pour leurs productions très particulières, toujours efficaces et souvent expérimentales. Leur dernier album a accueilli La Fève, BabySolo33, Scott South ou encore .nemo, et démontre bien leur versatilité et le son très caractéristique qu’ils possèdent. Je choisirais le son “Medusa” avec .nemo et lilguwop qui illustre leurs productions particulières.
TTdafool est légendaire au sein de la plug, il a beaucoup produit Serane et son équipe, et a participé à l’essor de ce style de musique en France. Il a également fait des productions plus house comme avec “Back 2 the (N)ineties!” et sait toujours taper dans le mille. Construisant, inventant la musique de demain, il est très important et porte sur ses épaules la quasi-totalité de la scène plug en France. Je choisirais le son “Jure” de Serane, dont la production aérienne et mélancolique rend le morceau exceptionnel.
Le mix NextGen de Laroza s’écoute juste ci-dessous, mais également sur Apple Podcasts ou Deezer. Abonnez-vous pour ne rater aucun épisode !