La “maison du bonheur”. C’est ainsi que Xavier décrit la coloc’ dans laquelle il vit, à Barcelone. Mouais, mouais. Si L’Auberge espagnole présente bien l’appart’ comme une allègre place forte de l’ébullition post-adolescente, ainsi qu’un séduisant melting-pot made in Erasmus, il n’y a pas à être dupe. On parle d’une cohabitation à sept quand même.
Déjà qu’à deux trois c’est le foutoir, alors là… Sous ses apparences de royaume enchanté, le haut lieu du film de Klapisch pourrait bien être un véritable pandémonium. La faute aux difficultés de la vie en communauté. Ou pour le dire plus frontalement : au flagrant manque de savoir-vivre de certains des habitants. À la compet’ de l’incivilité, reste à savoir qui raflerait la médaille d’or. Penchons-nous sur la question, au cas par cas.
1. Xavier, l’éternel chouineur (sniiiiiiiif)
“Ma vie a toujours été mal foutue. Mal rangée, en vrac et…”, S-T-O-P. Par pitié, stop. On n’en peut plus d’entendre la frog de l’auberge espagnole se plaindre 24 h/24, 7 j/7. Et qu’“avant tout était plus simple, y’avait des champs, des vaches, des poules. On avait un rapport plus direct aux choses”. Et que Môssieur geint parce que sa chérie le tej’ (alors qu’il la trompe allègrement hein, on souligne) et que, vraiment, c’est trop trop dur l’amour – ouin ouin.
Et qu’il est triste de partir en Espagne pour son DEA au début du film, puis qu’il est navré d’en revenir à la fin. Rien n’est jamais “ok” pour Xav’. Déjà que c’est relou de se coltiner ses sempiternelles lamentations mais, en plus, le perso’ campé par Romain Duris pense que son mal-être lui donne carte blanche pour rester les doigts de pieds en éventail à l’appart question rangement. Bières à l’abandon, boîtes de pizzas qui s’accumulent… Insupp’.
2. Soledad et Lars, les “tourtereaux”…
… Ou plutôt, le duo infernal. Si sur papier avoir une idylle dans la coloc n’a rien d’horripilant en soi, reste que dans la pratique, les problèmes s’accumulent. Déjà, ils sont tout le temps l’un sur l’autre. Là, à jacasser, à roucouler. À étaler leur bonheur sous le nez des copains – qui, notons-le bien, sont sans exception soit célibataires, soit en relation à distance. Pas cool. On aurait apprécié un peu plus de pudeur.
Et puis voilà quoi, un couple, c’est barbant. Ça sort peu, c’est inséparable. Si l’ambiance est au rose chez eux, à coup sûr on est dérangé par leurs ébats la nuit. Et dès que ça tourne au vinaigre… bonjour l’ambiance à l’appart ! Y a qu’à voir la gueulante qui a suivi la visite de l’ex de Lars, qui lui a révélé qu’il était père. Breaking news. Donc voilà, les amoureux merci – mais non merci.
3. Wendy, la “nonne”
Voilà comment est surnommée l’english girl, au sein de la coloc’. Pour cause, elle n’aime pas danser, refuse d’accompagner la troupe en nightclub et s’enferme chaque nuit (ou presque) dans sa chambre histoire d’étudier. Dans la famille rabat-joie… Aussi : miss a le don de s’enticher pour des demeurés profonds. Genre un type tout juste bon à interpréter un Bob Marley hésitant à la guitare acoustique, que Wendy ramène à la maison, bien sûr. Et à l’ensemble de la communauté de subir sa présence en serrant bien fort les dents. Vous avez envie de ça, vous ?
4. Tobias, l’inflexible
Là où il passe, le fun trépasse. Comptez sur ce tyran à la méticulosité maladive pour péter une durite si, par mégarde, vous ne respectez pas les parties respectivement allouées au frigo. Ou si vous empruntez son dentifrice. Ou si vous faites du bruit en rentrant un peu éméché dans l’appart. Le type ne blague pas – politique de tolérance zéro. L’angoisse.
5. Alessandro, le néohippie
Ça a l’air cool dit comme ça. Sauf que non. Il signore passe le plus clair de son temps affalé sur le canap’, à s’envoyer des joints à rythme industriel. Le tout en pyjama, bien sûr. Ou affublé d’un peignoir si c’est jour de fête. Cet ahuri oublie ses lunettes dans le frigo (au désespoir de Tobias, on l’aura compris), bombarde de “relax” toutes les personnes qui témoignent un tant soit peu d’anxiété, et empile les bourdes. Genre zapper le prénom du petit-ami de Wendy, et lui donner son feu vert pour qu’il passe à l’appartement alors que celle-ci est encore au bras de son looser (le type à la guitare, donc). Vous vous demandiez à quoi pourrait ressembler un champion olympique de la gaffe ? Ne cherchez plus.
6. Isabelle, notre majesté à tous
Que dire ? Cette déesse incarne tout simplement le summum du cool. Elle initie ses potes aux plus savantes techniques de flirt, brille de sa vivacité d’esprit et épate par son style – un grand OUI pour la coupe “garçonne”. Cécile de France sublime à tel point le perso qu’elle a remporté le César du meilleur espoir féminin pour son interprétation. On va pas épiloguer : Isabelle a tout de la roommate idéale. Bien fou celui qui ne voudrait pas partager son quotidien. Nous, on serait même prêt à payer pour ça. Genre cher. Très, très cher.
*Roulement de tambour* Le grand gagnant est…
William. Eh oui. Le petit frère de Wendy ne passe qu’une quinzaine de jours à “l’auberge espagnole”, mais c’est amplement suffisant pour lui décerner le grand prix du pire coloc’ imaginable. Le type assomme toute la petite communauté de ses vannes hyper border, monopolise la parole et se distingue par une fâcheuse tendance à l’hyperactivité. Que vous soyez en train de réviser votre prochain exam’, ou que vous vous remettiez péniblement d’une peine de cœur, l’Infâme ne se privera pas de venir dans votre chambre (sans toquer bien sûr) pour vous raconter ses “blagues” les plus rincées en partant du principe qu’elles vous intéressent. Et même que vous êtes censé en rire. Last but not least, le jeune homme brille par son incapacité à tenir l’alcool. Incapable de s’arrêter à temps en soir de beuverie, il finit ivre comme cochon à enquiquiner les gens dans la rue, s’étaler par terre, souiller les rues de Barcelone par ses vomissements d’ignoble poivrot. Un vrai porc.
Alors certes tous les colocs ont leur défaut (sauf Isa’, cœur sur toi). Mais on doit bien leur reconnaître, à chacun, des qualités qui permettent de maintenir la paix du foyer. Wendy et Tobias sont des gros relous, mais il en faut bien de leur trempe pour que le ménage soit un minimum tenu, question propreté. Xavier est un type assez à l’écoute passé ses jérémiades, Alessandro pourrait bien devenir votre meilleur partenaire de je-ne-fous-rien-de-mes-années-étudiantes. Quant à Lars et Soledad… Disons qu’ils présentent l’avantage de payer un double loyer alors qu’ils n’occupent qu’un lit. Pas négligeable.
Bon gré, mal gré, tout ça s’équilibre dans une harmonie fragile bouleversée par l’arrivée ce gros lourdaud de William. On aura beau chercher : pas moyen de trouver la moindre qualité au bonhomme. Non seulement il est irritant comme pas possible, mais il faut s’occuper de lui partout, tout le temps. Un peu comme un animal de compagnie qui n’aurait de cesse que de nous exaspérer. À fuir comme la peste. Sorry, not sorry Willy.