Qu’il est mignon, l’alien star de Steven Spielberg. Avec sa démarche pataude, son crâne dégarni et ses membres fripés. Il redonne même vie aux fleurs ! Alors forcément, on lui donnerait le bon dieu sans confession. À raison ? Pas si sûr. Toutes les adorables peluches de la vedette d’E.T., l’extra-terrestre ne nous ferons pas oublier qu’au fond le pitch de ce qui reste à ce jour le 7e plus grand succès au box-office mondial peut se résumer ainsi : un étranger galactique se tape l’incruste dans une famille random, qui n’en demandait sans doute pas tant.
Derrière son air charitable (et un peu largué) ce doux personnage ne serait-il, au fond, qu’un énorme taxeur ? Passé l’effet d’enchantement d’une des plus féeriques œuvres de Spielberg, la question mérite d’être posée. Appelle vite ta maison, E.T., on t’a dans le viseur.
Rien que ça, pille le frigo
Dès le début, il y a quelque chose de louche. En intro du film, des aliens se promènent en squad au cœur une épaisse forêt, non loin de Los Angeles. Qu’y cherchent-ils ? Eh bien, on ne sait pas trop. C’est bien là le problème. Ils semblent cueillir des plantes – mais à quelle fin ? Peut-être au nom du savoir éthéré. Mais peut-être pour glaner des infos en vue d’une future invasion, aussi. Allez savoir.
C’est donc un E.T. aux intentions pour le moins… troubles qui se retrouve abandonné par ses pairs. Apeuré, égaré et aussi affamé, très affamé, l’étrange protagoniste fait la rencontre d’Elliott. Jackpot. Cet adolescent un peu trop bonne poire lui déroule le tapis rouge. Alors forcément, E.T., il prend ses aises. Tout y passe. Les festins, le feuilletage de magazine plaid sur les épaules, la tchatche avec la mif.
Bon. On serait tenté de croire qu’il changerait d’attitude une fois laissé seul dans la baraque. Que nenni ! À peine la famille d’Elliott est-elle partie vaquer à ses occupations pour la journée qu’E.T. se fout en peignoir et dévalise le frigo sans la moindre vergogne. Le voilà qui boulotte la bouffe (et la jette par terre si elle ne lui convient pas) puis enchaîne les canettes. Une bière, deux bières… Tant et si bien qu’il finit par rouler par terre, rond comme pas deux. La honte.
Gratte les victuailles et puis s’en va
Dans le jargon, exploiter la candeur de mineurs pour s’en mettre plein le bide, on appelle ça a minima de l’abus de confiance. Mais ça, E.T. s’en tamponne allègrement le coquillard. Pire encore : rien ne le satisfait ! S’il tombe malade, c’est sans doute que la nourriture terrestre n’est pas au goût de Môssieur. Alors sa Seigneurie bidouille un appareil pour contacter des “potes”, et pousse Elliott & Co à le conduire à son lieu de rendez-vous. Pourtant il n’y a pas marqué “VTC” en lettres capitales sur le front du gosse, si ? Bref.
Après une course-poursuite tout en voltige pour échapper au gouvernement des États-Unis, nos héros arrivent à bon port. Le vaisseau spatial d’E.T. déboule, et c’est l’heure des adieux. En guise de remerciement pour ses loyaux services, Elliott récolte un… “Je serai ici”, glissé par E.T. en pointant le front de l’ado de son doigt luminescent. Super. On a connu mieux question rétribution. “Toute peine mérite salaire”, qu’ils disaient…
E.T., figure emblématique d’une posture tradi de la SF ?
Le pire concernant ce qu’il convient bien d’appeler le “dossier E.T.”, c’est qu’il est loin d’être un cas isolé. À bien y regarder, la figure de l’alien squatteur est carrément un classique du registre SF. En tête de liste, on pense par exemple au Starman, de John Carpenter, où un émissaire extraterrestre trouve protection auprès d’une veuve en adoptant les traits de son mari défunt. Ça, même E.T. n’aurait pas osé. Quoique…
Dans un registre plus comique Paul (Greg Mottola) nous entraîne auprès d’un alien – Paul, donc – échappé de la zone 51 qui trouve en deux geeks britanniques férus d’ufologie les compagnons idéaux pour l’aider à quitter la Terre. Mais d’autres “amis” aliens comme l’inénarrable Roger d’American Dad se trouvent si bien sur notre planète qu’ils n’ont plus envie de la quitter – enfin un peu de reconnaissance pour l’hospitalité terrestre !
Côté face, force est de reconnaître que la figure de l’extraterrestre relève donc du gratteur en puissance. Et côté pile… Elle revêt l’aspect autrement plus inquiétant de l’envahisseur. Là encore, les exemples sont légion. Signes, La Guerre des mondes, Independance Day… À tout prendre, entre les belliqueuses bestioles de Mars Attacks ! et E.T., on penche pour E.T. Pas vous ?