La saison 2 de Cheer veut le beurre et l’argent du beurre

La saison 2 de Cheer veut le beurre et l’argent du beurre

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Ⓒ Netflix

La série documentaire sur une équipe de cheerleaders tente une introspection dans sa saison 2.

C’était l’un des plus gros phénomènes télé de l’année 2020 ; le genre de programme Netflix que personne ne voit venir et qui réussit à capter l’attention générale en quelques semaines. En huit épisodes, la série documentaire Cheer suivait le quotidien d’une équipe de cheerleading au Texas, des sélections jusqu’à la compétition nationale annuelle. Portrait sans détour d’une discipline souvent méconnue ou méprisée, le programme rappelait que les cheerleaders ne sont pas de simples “pom-pom girls” (ou boys), mais des athlètes de haut niveau, capables de véritables prouesses physiques.

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L’attrait de la saison 1 tenait aussi au charme immédiat de ses protagonistes, notamment l’entraîneuse Monica Aldama, sorte de Coach Taylor au féminin, qui faisait office de mentor et figure maternelle pour l’équipe. On s’attachait aussi à la fluette mais déterminée Morgan, au cascadeur flamboyant La’Darius, ou encore à Jerry, un jeune adulte aux airs de nounours dont l’enthousiasme débordant avait séduit le monde entier. Cheer était une histoire inspirante, le récit de jeunes aux parcours compliqués qui se battent envers et contre tout pour retrouver une estime de soi et devenir des champions.

Introspection

En septembre 2020, le mythe de Cheer est sérieusement égratigné : Jerry, devenu mascotte de la série, est accusé de harcèlement sexuel et production de pédopornographie par plusieurs jeunes garçons. Après avoir été arrêté par le FBI, le jeune homme reconnaît les faits – il est actuellement incarcéré en attendant son procès. Un voile de malaise planait donc sur l’arrivée de la saison 2. Diffusée depuis le 12 janvier 2022, elle se trouve face à un défi de taille : recréer l’émotion du premier volet, sans se défiler quant à l’affaire Jerry Harris.

© Netflix

La saison semble aborder le problème de front, avec un court prélude dans lequel les accusations contre Jerry sont mentionnées. Mais ce montage fait presque office de teaser. L’année a été difficile”, commente Monica et puis… La saison démarre, comme si de rien n’était. On se retrouve alors avec quatre épisodes où Jerry fait encore partie de l’équipe, et est parfois interrogé sur le quotidien des entraînements, sans contextualisation. Même en sachant que Cheer s’attellera plus tard à l’affaire, le décalage entre ces interviews décontractées et la connaissance des faits de pédocriminalité qui lui ont depuis été reprochés est perturbant. Il faudra tenter d’en faire abstraction, jusqu’à l’épisode 5, intitulé “Jerry”.

Dans cet épisode qui coupe la saison en deux, des accusateurs de Jerry racontent comment il les a sollicités et harcelés alors qu’ils n’avaient que 13 ans. La série revient aussi sur la réaction de l’équipe, bouleversée par ces révélations. Si l’intention de transparence est louable, l’épisode n’évite pas quelques inélégances, s’achevant par exemple sur une citation de Jerry qui date de la saison 1, où il affirme que sans le sport, il aurait basculé du côté obscur”.

Dans une autre juxtaposition maladroite, Monica explique que le cheerleading permet de se sentir en sécurité et se tenir à l’abri des ennuis”, alors que le montage renvoie vers une image de Jerry souriant. Les jeunes victimes, eux aussi passionnés de cheer, et harcelés par Jerry dans le cadre de compétitions sportives, auraient peut-être une lecture différente. Isolé du reste de la trame narrative, et sans doute conçu comme une sorte de détour obligatoire, l’épisode 5 reste une anomalie inconfortable dans une saison légèrement moins propulsive que la première.

Nouveaux enjeux

La saison 2 parvient malgré tout à dynamiser ses enjeux en introduisant, en parallèle de Navarro Cheer, le portrait d’une équipe concurrente et tout aussi captivante : Trinity Valley. Ces nouveaux épisodes se focalisent beaucoup moins sur la difficulté physique du sport, même si les images de fractures ont été remplacées par celles d’athlètes en train de vomir. On y suit surtout l’interruption brutale de la saison 2020 à cause de la pandémie, mais aussi les retombées du succès fulgurant de la série.

Les documentaristes filment ainsi l’inconfort causé par la popularité soudaine de l’équipe et les niveaux d’absurdité que celle-ci atteint. Tandis que Monica délaisse ses athlètes pour tourner dans Danse avec les stars, Jerry est invité à couvrir le tapis rouge des Oscars, ou hurler des encouragements sur commande. Lexi gagne sa vie en faisant des vidéos sur Cameo, et Gabi enchaîne les tournages. Plus déchirant encore, on assiste à l’implosion de La’Darius, qui voue une admiration aveugle et parfois inquiétante pour sa coach et ne tolère pas son absence à un moment crucial de sa vie.

Malheureusement, comme pour l’épisode consacré à Jerry, cette introspection ne semble qu’à moitié aboutie. Alors que la saison 2 de Making a Murderer ou celle de Tiger King avaient déjà utilisé un mécanisme similaire, cette mise en scène de “l’effet Netflix” ressemble plus à un nouvel outil de narration déployé cyniquement qu’à une vraie réflexion sur le système de starification, parfois dérangeant, que ces productions entraînent.

Les deux saisons de Cheer sont disponibles en intégralité sur Netflix.