Qu’il est loin le temps où la population de Winden pleurait la disparition du jeune Mikkel. Entre-temps, Jonas et les voyageurs de Dark ont remonté le temps, parfois jusqu’au XIXe siècle, ou se sont plongés dans un futur catastrophique. Pour la troisième et dernière saison de la série high concept signée Baran bo Odar et Jantje Friese, le tandem pousse encore plus loin les limites et la complexité d’un scénario déjà bien sinueux, en introduisant la notion d’univers parallèles. Accrochez-vous, car la bataille de la saison 2 entre Jonas et Adam n’était rien comparée à celle quasi divine qui se joue dans les ultimes épisodes de Dark.
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La saison 3 reprend juste après la mort de Martha et l’arrivée de sa version alternative. Armée d’une nouvelle machine à remonter le temps ultra-sophistiquée, elle emmène Jonas dans son monde qui lui aussi s’apprête à connaître l’apocalypse. Ensemble, ils espèrent pouvoir changer le destin funeste de leur univers respectif. De leur côté, les habitants de Winden qui ont survécu à l’explosion de la matière noire ont été transportés à des périodes différentes. Sans le savoir, ils auront tous un rôle à jouer dans le dernier cycle temporel de Winden.
Une écriture lostienne maîtrisée
Ⓒ Netflix
En seulement deux saisons, Dark avait réussi le pari fou d’installer une mythologie riche et complexe que la saison 3 vient encore étoffer. L’écriture de la série chorale, déjà impressionnante par le tableau familial hors norme dressé devant nos yeux, a encore l’audace de nous perdre pour finalement répondre à toutes nos questions dans les deux derniers épisodes. Alors oui, contrairement à Lost dont elle est clairement une héritière, il est primordial de souligner combien la fin de Dark saura combler les fans et éviter toute frustration liée à des différences d’interprétations entre ses aficionados.
Qu’il est bon de se dire qu’enfin, après tant d’échecs (Flashforward, The Crossing, The Event pour ceux qui ont bonne mémoire), les Lost-like ont un avenir, qui plus est européen. Dark a su s’inspirer de l’essence du scénario de Damon Lindelof et Carlton Cuse, entre fortes émotions, introspection des personnages et culture du mystère autour de l’île, tout en gardant une cohérence assez exceptionnelle tout au long de la série. Là encore, il fallait accepter de se perdre avec Jonas dans le trou du lapin blanc pour en apprécier toute la saveur, quitte à ne pas tout saisir mais profiter d’un voyage bouleversant.
De bout en bout, Dark a su nous capter grâce à son atmosphère ténébreuse et sa photographie en clair-obscur. La mise en scène de la série, toujours très proche de ses personnages, tisse les liens entre eux comme un fil d’Ariane, une référence récurrente dans le show. On apprécie aussi les compositions de plans symboliques, qui renvoient la plupart du temps à des passages bibliques, et participent à la cohérence de cet univers opaque. Là encore, la régularité de la mise en scène de Dark lui permet de surclasser de très loin les autres fictions du genre.
La boucle est bouclée
Ⓒ Netflix
Impossible de parler de la série sans évoquer son casting grandiose et extrêmement méticuleux. La récurrence du chiffre trois (des cycles de 33 ans, des personnages en trois versions, la fameuse triquetra) a été prise très au sérieux par les créateurs de la série. Ainsi, on s’étonne toujours de voir à quels points les différents acteurs et actrices se ressemblent entre les différentes périodes de l’histoire. Dans la même idée, Baran bo Odar et Jantje Friese souhaitaient absolument que Winden ressemble à une ville banale, afin d’ancrer Dark dans la réalité et y trouver une forme de familiarité chez les spectateurs.
Si la force de Dark passe effectivement par sa forme artistique et esthétique, la série brille avant tout par son propos. Tout comme Lost l’avait compris à l’époque, la fiction allemande traite ses personnages en premier plan avant le mystère du voyage dans le temps et ses conséquences. L’écriture intelligente des scénaristes parvient à nous faire ressentir de l’émotion et nous garder en haleine dans une série finalement très bavarde. Elle aborde en filigrane des sujets tabous tel que l’inceste d’une façon si subtile que les spectateurs acceptent la situation, notamment à travers la relation déchirante entre Jonas et Martha.
Évidemment, le show est aussi une parfaite boîte à mystères pour les amateurs de théories et de twists à couper le souffle. À l’approche de son dénouement, Dark a même l’audace de continuer à creuser ses énigmes et rajouter des éléments (les univers parallèles, le personnage inquiétant de l’Inconnu, des timelines inédites) tout en satisfaisant la quête de vérité recherchée par les fans depuis la disparition de Mikkel. La série rejoint le panthéon des œuvres exigeantes parmi Westworld, Legion ou encore Mr. Robot mais avec une qualité supplémentaire et indéniable : de ne jamais prendre ses fans de haut ou obéir à leurs exigences.
Avec cette ultime saison, Dark répond à toutes ces questions dont le thème principal était le déterminisme et la possibilité de changer son destin. Elle le fait avec intelligence, émotion et une cohérence tout bonnement exceptionnelle au vu de son scénario labyrinthique, qui a créé l’un des plus grands arbres généalogiques de l’histoire des séries. Avec cette fin parfaite et bouleversante, Dark confirme clairement son statut de chef-d’œuvre sériel et plus encore, de meilleure série high concept depuis Lost. “We have to go back”, comme dirait ce bon vieux Jack.
Les trois saisons de Dark sont disponibles en intégralité sur Netflix.