Les conversations sur les mécanismes d’emprise, les abus de pouvoir et le consentement n’ont jamais été aussi présentes qu’aujourd’hui dans l’espace médiatique. A Teacher, mini-série de Hannah Fidell diffusée sur Canal+, arrive donc à point nommé : en dix épisodes, elle retrace le rapport abusif entre Claire, une prof de lycée, et Eric, son élève de 17 ans.
À voir aussi sur Konbini
Claire Wilson (Kate Mara) s’ennuie profondément. Elle a vécu à Austin toute sa vie, épousé son petit ami du lycée et repousse mollement les injonctions de ce dernier à faire un enfant. Dans le premier épisode, la trentenaire s’offre un léger frisson d’interdit en volant un rouge à lèvres. Lorsqu’elle débarque dans un nouveau lycée et attire l’attention d’Eric (Nick Robinson), un élève introverti de 17 ans, elle commence alors à se rapprocher de lui.
Prédation sexuelle
Dans la version originale diffusée aux États-Unis, chaque volet de A Teacher est précédé d’un texte blanc sur fond noir : “Cet épisode dépeint des comportements de prédation sexuelle qui peuvent choquer.” Supprimé dans la version française, ce rappel est pourtant crucial ; car sans y regarder de trop près, il est parfois difficile de déceler le caractère abusif de la relation entre Claire et Eric.
À chaque détour, A Teacher s’efforce de complexifier son récit et d’éviter tout manichéisme. Claire n’a pas l’étoffe d’une prédatrice, et la manière dont elle gagne progressivement la confiance d’Eric est presque imperceptible. Elle accepte de lui offrir des cours particuliers en dehors de l’école. Elle vient le chercher après une fête trop arrosée. Un samedi matin, elle lui propose de visiter le campus de l’Université du Texas, où Eric rêve d’étudier. Et elle lui demande de ne pas ébruiter ces petites attentions. Individuellement, ces gestes peuvent sembler innocents. Accumulés, ils instaurent lentement mais sûrement un abus de pouvoir entre la prof et son élève, qui se retrouve vite épris de la jeune femme.
Équilibre précaire
Inutilement sulfureuse par moments, trop contenue par d’autres, la série brille par petites touches : le fait que Claire soit une femme bouleverse nos idées préconçues, mais quand un ami d’Eric se met en tête de sortir avec une jeune fille de 14 ans, le parallèle entre les deux relations est frappant. Les disparités de genre sont toujours observées avec finesse, comme lorsque Eric, en grande détresse psychologique, est considéré comme un héros pour avoir réussi à “choper sa prof bonasse”.
Mais à trop vouloir nuancer son sujet, la série finit parfois par rester en surface des mécanismes qu’elle tente de décrire. À plusieurs reprises, elle flirte avec la romanticisation du rapport abusif, risquant de renforcer le cliché qu’elle voudrait dénoncer : certaines scènes intimes, accompagnées d’une musique éthérée, paraissent plus émoustillantes que malsaines. Son aspect le plus regrettable reste l’écriture du personnage d’Eric, sous-développé par rapport à Claire – un déséquilibre fâcheux pour une série qui semble parfois exprimer plus d’intérêt pour l’agresseuse que pour sa victime. Il faudra attendre une conclusion rapidement évacuée pour que la perspective du personnage s’étoffe enfin. Heureusement, Nick Robinson, connu pour son rôle dans Love, Simon, parvient à s’accommoder d’un script parfois limité et livre une interprétation tout en finesse. Dommage que la série ne soit pas toujours à la hauteur du talent de son casting.