Pour ce mois d’Halloween, la rédaction de Konbini vous prépare une série horrifique. Des creepypastas aux films d’horreur méconnus, en passant par des malédictions venues d’ailleurs, un article quotidien vous fera frissonner jusqu’au Jour des morts.
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Les creepypastas, ces légendes urbaines horrifiques apparues et transmises grâce à Internet, traduisent souvent les problématiques d’une époque – qu’il s’agisse de harcèlement scolaire, de consommation de masse ou d’enfants en danger. Est-ce donc si étonnant, qu’en 2022, le dernier creepypasta à la mode provienne d’une intelligence artificielle et interroge les biais de notre société ?
À la cour en ce mois d’Halloween, Loab, une image créée “accidentellement” par un internaute sur une intelligence artificielle. Rosacée sur les joues, teint cadavérique, traits décomposés et regard maléfique, Loab serait plus forte que les intelligences artificielles puisqu’elle infiltrerait le “latent space”, cet espace multidimensionnel abstrait lié au machine learning qui englobe un spectre de données liées. Je vous épargne les détails, qui vous terrifieraient plus que l’histoire de Loab elle-même.
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La légende Loab est racontée par un utilisateur de Twitter se faisant appeler Supercomposite. Dans un thread datant du 6 septembre 2022, il raconte s’être amusé à créer des “images contraires” grâce à une intelligence artificielle. Après avoir créé un logo en générant “le contraire de Marlon Brando”, il s’est demandé si générer le contraire du logo en question reproduirait Marlon Brando. Mais à l’horizon, pas de trace de Marlon, mais la naissance de ce visage de femme d’une quarantaine d’années, à l’air plutôt désespéré.
Une puissance qui dépasserait les algorithmes
Dans la droite lignée de son nom, Supercomposite a poursuivi ses tests et n’a pas cessé de combiner Loab à d’autres images, de la transformer jusqu’à plus soif grâce au machine learning. Au fil des essais, “qui devaient la distordre jusqu’à la rendre méconnaissable”, l’internaute s’étonnait de toujours voir le visage de sa création “finir par réapparaître, sorti de nulle part”, et prendre le dessus, comme une entité à la force insubmersible.
C’est en tout cas l’idée que Supercomposite tente de rapporter en filigrane de ses tweets, dans la droite lignée des légendes relatives aux creepypastas et à leur supposée force psychique bien menaçante. Loab serait un “cryptide”, une “anomalie” qui “infecte les images, et c’est incroyable”, s’émerveille un fan de l’image qui “confirme” qu’elle “n’est pas un creepypasta” sur Twitter.
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“Même quand ses joues rouges ou d’autres caractéristiques importantes de son visage disparaissent, la ‘loabness’ des images qu’elle infiltre est indéniable”, affirme Supercomposite. “Elle hante les images, survit à travers les générations et surpasse le reste des informations parce que l’intelligence artificielle tend très facilement vers son visage.”
Afin d’ajouter toujours plus de piment à cette affaire, Supercomposite avertit son public de faire attention avant de dérouler son fil à grand renfort de lettres capitales et d’“AVERTISSEMENT DE GORE EXTRÊME” : “Je ne suis pas à l’aise à l’idée de partager les [images] les plus dérangeantes, celles avec des enfants démembrés en train de crier”, décrit l’internaute.
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Il informe également son auditoire qu’il continuera d’alimenter son thread grâce au “millier d’images qui porte les empreintes” de Loab. “Elle trouve tout le monde à un moment ou un autre. Il faut juste savoir où regarder.”
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Un creepypasta révélateur de biais sociétaux ?
Supercomposite insiste, il y a “quelque chose d’extrêmement gore et macabre” chez “cette femme” créée par accident. Mais qu’est-ce qui fait si peur chez Loab ? Le fait qu’elle ne sourie pas ? Qu’elle ait des problèmes de peau ? Qu’elle semble complètement désespérée ? Et peut-être également le fait qu’elle ne ressemble pas aux images de femmes qui peuplent l’imaginaire occidental commun.
C’est en tout cas ce qu’interroge Sarah Rose Sharp, journaliste pour Hyperallergic. La terreur que serait supposée susciter Loab pourrait découler “de l’âgisme, du sexisme et de la repronormativité imprégnée dans une culture qui a toujours discriminé les femmes, et qui tente récemment de forcer les personnes porteuses d’utérus à revenir à un état de maternité forcée”.
Ainsi, l’aura terrifiante de Loab viendrait du fait qu’elle ne corresponde pas au mythe de ce à quoi est supposée ressembler une femme acceptable aujourd’hui – une femme qui essaie de “rester jeune pour toujours, suit une skincare routine et se dévoue totalement à ses enfants”. Une théorie qui tient la route quand on se souvient que les costumes les plus prisés d’Halloween concernent les sorcières, des femmes jetées au bûcher et mises au ban de la société parce que jugées trop indépendantes, sans peur et surpuissantes.