“Le fromage dans le kebab ? C’est pas un signe de décadence, c’est le progrès”

“Le fromage dans le kebab ? C’est pas un signe de décadence, c’est le progrès”

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(© Konbini food)

On s’embrouille à la rédac pour un supplément fromage.

Hot take, c’est deux membres de notre rédaction qui s’opposent avec beaucoup de recul (non) sur des sujets très importants du quotidien.

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Aujourd’hui, chef, on s’est pris le chou (pas celui servi dans les döner berlinois) autour de notre commande au kebab. Alors, pour ou contre le supplément fromage ?

Pharrell, lactose intolérant du grec :

Salade, tomate, oignon… supplément fromage ? Mais quelle diablerie ! On le sent dès la commande, le vers récité avec émotion au chef qui nous appelle chef devient bancal. D’ailleurs, ça y va de tous les suppléments : on a même un collègue qui demande “pain bien chaud, hein”, mais quoi ? Une commande au grec, c’est défini tel le contrat social de Rousseau : sorte de pain, garniture, puis sauce. En pratique ça donne : Pain normal, salade, tomate, oignon, mayo-harissa. Commande qui, récitée rapidement, pourrait presque passer pour un alexandrin (ne vérifiez pas). Mais le souci du supplément fromage n’est pas que vulgaire (oui, ça dit les termes, ici), il est une attaque à l’équilibre même d’un bon kebab.

“Dis-moi Jamy, pourquoi il ne faut pas prendre de supplément fromage ?” Alors, Jamy est en vacances mais je peux mettre mes lunettes et sortir mon paperboard. Le plaisir d’un grec passe évidemment par ses stimuli très simples : du gras, du salé, et ce qu’il faut d’umami si la broche est de qualité. Mais un bon grec, c’est surtout un grec équilibré, où l’explosion de gras et de sel s’équilibre avec les crudités, avec la meilleure bouchée en point d’orgue, celle composée de tous les éléments du sandwich dans une zone où le pain est bien imbibé par la sauce. Et dans cette équation très précise, la tranche de fromage fondu n’a pas sa place pour plusieurs raisons. D’abord, elle apporte un supplément de gras qui enveloppe le palais, et en plus elle agit comme une paroi bloquante pour la bonne diffusion des jus de cuissons et de la sauce dans les crudités. La tranche de fromage orange, que j’adore dans un double cheese, ne vous méprenez pas, n’a, je suis désolé, absolument pas sa place dans un grec. Et ne me lancez même pas sur les French tacos.

PS : un kebab ça se mange dans cet ordre : frites – sandwich – boisson.

Abdallah, fervent défenseur du carré orange :

Les Français mangent-ils leur pizza comme en Italie ? Mangent-ils les sushis comme au Japon ? Dans les deux cas, la réponse est non, et ce n’est pas grave. Alors, pourquoi diable devrait-on s’indigner d’un modeste supplément fromage à 50 centimes dans un grec ? Croire que ce sandwich répond à des règles de composition précises et immuables est faux. Il n’y a pas plus modulable qu’un grec, ce qui explique pourquoi, en France, c’est le sandwich ultime et universel. Car il nous offre la liberté de choisir notre pain (team galette), de retirer les tomates, de remplacer les oignons par des olives… ou d’ajouter une tranche de fromage fondante. Mon collègue y voit un signe de décadence, j’y vois du progrès et un savoir-faire bien de chez nous.

Ce supplément gras et fondant, c’est la France d’en bas qui pimpe un mets déjà très bon avec une touche de gourmandise. À Booba qui dit “supplément merguez, je me suis embourgeoisé” dans “Maître Yoda”, elle lui répond “supplément fromage, je me suis engourmandé”. Les puristes de la broche auront beau râler, ils ne sont pas du bon côté de l’Histoire. Les compositions de daron, pain normal, salade, tomate, oignon, mayo-harissa existeront toujours (c’est ce que prend mon beau-père de 66 ans, c’est dire), mais la révolution est déjà en marche. La France du supplément fromage a conquis les charts et une bonne partie de la langue française, elle n’aura donc aucun mal à triompher des conservateurs du döner.

Alors, supplément fromage ou pas supplément fromage ? On s’excuse en tout cas de vous avoir donné envie de déglinguer un kebab ce midi.