Triste, violent, choquant, traumatisant … Les adjectifs dramatiques ne manquent pas pour qualifier le season premiere de la saison 7 de The Walking Dead. Mais qu’en est-il réellement de cette surenchère constante de gore et de barbarie ?
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Aux côtés de Game of Thrones, The Walking Dead fait partie des séries actuelles les plus regardées aux États-Unis. Les deux géants ont la caractéristique d’être adaptés d’une œuvre littéraire, favorisant une fanbase importante. Celle-ci doit constamment être alimentée, (re)conquise, surprise, voire choquée. La surenchère, qu’elle soit exploitée au niveau des effets spéciaux, des dialogues ou du scénario, est un procédé essentiel pour que ces deux séries continuent de performer et de prospérer.
Dans le cas de The Walking Dead, le season premiere de la saison 7 a divisé. Il a marqué bon nombre de spectateurs par la cruauté dont a fait preuve Negan, le nouveau bad guy bien décidé à faire de Rick et de ses compagnons ses marionnettes. Sur la twittosphère, les internautes ont exprimé leur tristesse après la mort de deux des principaux survivants. D’autres ont tout simplement été écœurés par le niveau de gore atteint : jurons, éclaboussures de sang, cervelles en bouillie, œil à moitié éjecté du visage, maltraitances sur enfant…
The Walking Dead est-elle allée trop loin dans sa volonté de coller avec l’atmosphère apocalyptique des comics ? Devrait-elle se retenir, et prendre le risque de voir les puristes fuir la série ? N’a-t-elle plus grand chose à raconter, quitte à le cacher derrière des scènes d’une violence démesurée ? Pas facile de répondre à ces questions par un simple “Am stram gram”.
La destruction psychologique de Rick (et du spectateur)
Une prestation sous haute tension
Pour le Parents Television Council, l’organisme chrétien en charge de protéger les enfants des programmes télévisés, la situation est très claire : “Lors du season premiere de The Walking Dead la nuit dernière, on a assisté à l’une des séries les plus violentes visuellement que nous ayons jamais vues à la télévision, en comparaison aux programmes les plus violents trouvés sur les chaînes câblées.” Il faut dire que le sang, les tortures mentales et les insultes ont composé la plus grande partie de cet épisode.
Pour insuffler ce sentiment de mal-être et cette tension morbide aux spectateurs, les créateurs de la série ont décidé de se concentrer sur l’effondrement psychologique du groupe, à travers les yeux de Rick. Le leader d’Alexandria, censé incarner la figure des survivants la plus résistante (autant physiquement que mentalement) a plié face à la barbarie de Negan. La prestation d’Andrew Lincoln, remarquable, transpirait toute l’impuissance du personnage.
L’épisode débute par un gros plan sur le visage de Rick. Le message est clair : on s’apprête à vivre cette souffrance de son point de vue. On le retrouve comme lors du season finale de la saison 6 : tremblant, en sueur et en pleine torpeur face aux événements. Après les exécutions d’Abraham et de Glenn, ô combien gores et sadiques, il tente en vain de baragouiner quelques menaces à l’encontre de Negan. Puis ce dernier, insatisfait de la réaction de Rick, l’extirpe de la scène pour mieux le plonger dans un véritable cauchemar. Une lente et longue séquence pour le spectateur, destinée à casser le rythme et entrecoupée par les passages éprouvants des assassinats d’Abraham et Glenn.
Un cauchemar éveillé
Dans cette scène presque mystique, cernée par un brouillard dense, Rick prend peu à peu conscience de la gravité de la situation. La brume ambiante, les cris rauques des zombies environnants lui font vivre un véritable cauchemar éveillé. Negan lui ordonne de récupérer sa hache au milieu des morts-vivants comme si Rick était un toutou bien dressé. Il cherche continuellement à le rabaisser, mais de manière psychologique cette fois, sans l’aide de Lucille. Et puis, au milieu de ce brouhaha, Rick finit par craquer et fond en larmes, repensant à ses amis effondrés, à ses anciens compagnons gisant sans vie dans leur propre sang.
Des bribes de souvenirs de ses camarades brisés surgissent à travers des flashbacks rapides mal utilisés, visuellement laids, et pas franchement nécessaires pour rythmer l’épisode. Oui, on a compris, Rick est chamboulé et complètement désarmé face à Negan. On aurait apprécié plus de subtilité de la part des créateurs, qui viennent de nous infliger deux morts atroces il y a quelques instants.
Ils ont décidé d’insister dans la surenchère d’effets dramatiques et violents, qui à la longue desservent le message de l’épisode : ce nouveau monde n’est pas celui de Rick, encore moins celui des zombies, mais de Negan. Le problème, c’est que les scénaristes ont peut-être détruit l’antagoniste trop vite, trop brutalement, de façon grossière.
Si le Gouverneur était un enfant de chœur à côté de Negan, il avait au moins la qualité d’être imprévisible. Dans ce season premiere, Negan parle beaucoup, cogne, parle beaucoup, recogne, essuie sa hache, parle beaucoup, menace Carl et se remet à tchatcher. En gros, temps faible puis temps fort.
Même si Jeffrey Dean Morgan, cynique et impérial, joue magistralement sa partition, à quoi s’attendre pour la suite ? The Walking Dead a probablement trouvé son Ramsay Bolton. Mais à la fin de ce season premiere, on a l’insupportable impression qu’il a déjà grillé toutes ses cartes. Que vaut-il sans sa batte à barbelés ? Malheureusement, certains fans n’oseront pas s’aventurer plus loin, lassés ou déçus de cette démesure trop vite dévoilée.
Violence et décadence
Les termes “violence” et “décadence” ne riment ensemble pas pour rien, ils sont souvent liés. C’est le cas dans The Walking Dead, où la violence du monde qui entoure les survivants anéantit peu à peu leur ambitions et leurs rêves. Morgan, Carole, Shane, par exemple, l’ont appris à leurs dépens. C’est au tour de Rick de faire face à cette situation dont il peut seulement se sortir en risquant de perdre la raison. Les personnages de TWD sont les témoins impuissants du déclin d’une civilisation.
Devant l’afflux de zombies et la peur de perdre Carl, alors que les zombies envahissaient Alexandria, Rick avait déjà eu une crise de démence en saison 6. Aveuglé par la colère, il s’était jeté corps et âme dans les quartiers de la cité pour la débarrasser des Walkers, quitte à y laisser la vie et celles des habitants avec. Mais ici, misérable et impuissant face à Negan, il n’ose plus lever le petit doigt. Sauf quand le leader des Sauveurs lui demande de couper le bras de son fils pour épargner le reste du groupe, atteignant de nouveau un état de folie extrême.
À ce moment-là, la tension et la violence psychologique exercées par Negan sur le groupe atteint son paroxysme. Andrew Lincoln le transmet d’ailleurs aux spectateurs en tremblant de tout son corps, hurlant, pleurant, gémissant, bien aidé par la musique qui monte crescendo avec son accès de fureur.
Cette violence présentée ici dépasse tout entendement : pour sortir de ce cauchemar qui ne finit plus, Rick est prêt à se saisir de la hache pour trancher le bras de son gamin. Tout comme les personnages de la saga horrifique Saw étaient prêts à se mutiler, s’ouvrir l’estomac ou s’arracher un œil afin de mettre un terme à ce jeu macabre. Sauf qu’on ne s’attendait pas à trouver de la “torture porn” dans The Walking Dead.
C’est dans cette escalade de violence terrifiante et perturbante que The Walking Dead semble tomber dans la surenchère. Elle propose un climat insoutenable certes, mais la série zombiesque nous a fait frissonner et nous a surpris sans cet étalage de violence déraisonnée. Bref, quel intérêt à détourner de l’écran le visage du spectateur, quand quelques mots, quelques émotions transmises lui permettent de s’offrir une réflexion personnelle sur la séquence qu’il vient de vivre ?
De l’importance de la volonté de bien faire
Une recette efficace
Il y a du Lost dans ce season premiere. Ce procédé d’ouvrir et de fermer l’intrigue par le biais des yeux de Rick évoque la saison 1 du show d’ABC, où chaque épisode débutait sur le regard de l’un des personnages. Tout comme Lost auparavant, les créateurs de The Walking Dead exploitent cette idée afin d’ouvrir le spectateurs vers un nouveau monde, un nouveau départ, presque une renaissance dans le cas de Rick.
Autre comparaison avec la série culte : cette scène surréaliste où les personnages se rassemblent autour d’une table pour déjeuner. Impossible de ne pas penser à la scène finale de Lost dans l’église, où tous les protagonistes se retrouvent avant de rejoindre ensemble l’au-delà. The Walking Dead n’oublie pas d’appliquer à la lettre des recettes qui ont fonctionné pour des séries marquantes. Elle prend des risques, quitte à s’éloigner de son sujet principal, tout comme les séries les plus mémorables de ces dernières années l’ont fait avant elle.
Il est peu probable que le schéma répétitif de la série change : les survivants trouvent un havre de paix, commencent à reconstruire un début de civilisation puis sont brusquement interrompus par l’arrivée d’un big boss à vaincre. Mais si ça plaît aux fans, en quoi est-ce une mauvaise chose ? D’autant que le matériel de base a beaucoup à nous dire, comme il nous l’a prouvé en faisant d’une histoire de zombies un survival dramatique et jouissif.
La fidélité aux comics
Et si Robert Kirkman, l’auteur des comics et producteur de la série, souhaitait simplement rester fidèle à son œuvre avec cette violence à outrance ? Après tout, l’univers des comics est d’une noirceur extrême. On parlait plus haut du Gouverneur, qui serait un Bisounours par rapport à Negan. Pourtant, dans le comic, le Gouverneur est bien plus exécrable et terrifiant. Les lecteurs s’en sont aperçus notamment lors du viol de Michonne, une scène qui n’a pas été reprise dans la série.
Les morts de Glenn et Abraham ont été atroces. Elles le sont tout autant dans les comics, tout du moins pour Glenn (Abraham aurait dû mourir à la place de Denise dans la série). Pourquoi utiliser une scène aussi horrible que cette exécution à coups de batte de baseball, et ne pas montrer la cruauté du Gouverneur (et la force mentale de Michonne, qui se relèvera de cet acte impardonnable) précédemment ? Peut-être pour se concentrer sur les bouleversements que va connaître le groupe de Rick avec “l’ère Neganienne”.
La série a d’ailleurs l’intelligence de renvoyer vers le comic quand elle lui fait des infidélités. C’est parce que Daryl, personnage inexistant dans les comics, frappe Negan que ce dernier décide d’allumer Glenn. Après six saisons et un schéma cyclique qui finit par lasser les spectateurs, les créateurs de la série ont eu envie de marquer le coup, de développer de nouveaux enjeux pour Rick, pour les spectateurs, en balayant les précédents d’un crochet de batte de baseball.
Le tome de Walking Dead précédant l’arrivée de Negan se nomme Un Vaste Monde. Alors si Scott M. Gimple, Robert Kirkman et leur équipe ont décidé de détruire le mental de Rick et du spectateur par la même occasion, c’est sûrement pour mieux nous introduire ce “vaste monde” qui forme l’univers de The Walking Dead.
En France, The Walking Dead est diffusée sur OCS en US+24.