Coup d’essai, coup de maître
Back to 2014. En cette belle soirée du dimanche 12 janvier, la chaîne câblée qui ne fait pas de la télé mais du HBO (“It’s not TV, it’s HBO”) lance une nouvelle série, attendue surtout pour son casting intrigant : un Matthew McConaughey pré-hype incarne un flic dépressif, lancé aux côtés de son co-équipier Woody Harrelson dans une enquête de près de 20 ans. Flashforwards, affaire labyrinthique, mystérieux “YellowKing” à rendre fous les fans, criminels à têtes de serf, punchlines métaphysiques (“Time is a flat circle“)…
En quelques épisodes, Nic Pizzolatto, qui planchait sur cette histoire depuis plusieurs années, réinvente ce bon vieux genre si rebattu de la série policière et du buddy movie. Il est accompagné d’un jeune réalisateur brillant, Cary Fukunaga, qui filme un plan séquence resté dans les mémoires. La photographie poisseuse, le générique innovant (et tant de fois copié depuis), la performance hallucinée de McConaughey… True Detective devient un classique instantané, un succès critique avec des audiences pas folles mais très correctes pour HBO, et au final un phénomène de pop culture (les parodies se multiplient) comme on en avait pas connu depuis… Breaking Bad.
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La saison 2 n’était pas si catastrophique
Changement de décor : après l’Amérique profonde de la Louisiane, l’auteur dissèque l’urbanité moderne en plaçant ses personnages – des flics, des mafieux en quête de rédemption – dans la ville fictive de Vinci, près de Los Angeles. On retrouve les codes de ce qu’on peut désormais appeler la franchise True Detective : un générique splendide, une photographie à tomber par terre (qui évoque cette fois les tableaux d’Edward Hopper), une enquête touffue, des hommes torturés, et des réflexions métaphysiques.
Après le triomphe de la première saison, plus dure sera la chute pour Nic Pizzolatto, davantage écrivain que showrunner, habitué à travailler seul. Lui qui a planché des années sur la première saison de True Detective a du livrer une suite censée être aussi bonne en six mois. Alors oui, l’enquête parait plus brouillon (quoique la première n’était pas si claire), les répliques métaphysiques sentent un peu le réchauffé et sont à la limite de l’auto-parodie (“Never do anything out of hunger, even eating“), mais cette deuxième saison nous gratifie tout de même de plusieurs morceaux de bravoure, d’un nouveau plan-séquence fou, d’une Rachel McAdams impeccable et d’un Vince Vaughn étonnant, en plein contre-emploi.
Nic Pizzolatto prouve encore avec cette deuxième saison qu’il sait poser des atmosphères et dessiner les contours de personnages marquants, aussi bien masculins (sa spécialité) que cette fois, féminins.
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La franchise True Detective
N’oublions pas non plus que True Detective possède un format propice au renouvellement : l’anthologie. Si Nic Pizzolatto, probablement touché par des critiques qui ont joué aux montagnes russes (True Detective est passée de “La meilleure série du monde” à “Un naufrage sur toute la ligne“, c’est violent), souhaite se concentrer sur d’autres projets, grand bien lui fasse.
Il peut passer la main à un nouvel auteur, qui reprendra ce qui a fait le succès de True Detective (son concept solide, sa qualité visuelle, ses thématiques) tout en proposant une vision fraîche du show. La marque True Detective a été écornée mais elle est encore puissante chez les téléspectateurs. La meilleure des réponses de HBO serait finalement de lui redonner ses lettres de noblesses, d’être brave et audacieuse, et de concocter une saison 3 digne de ce nom.