En France, la politique a toujours été une affaire très sérieuse, surtout quand elle est traitée dans les séries. À de rares exceptions près (comme Alphonse Président), celles qui s’y sont collées étaient plus souvent des drames qui réclamaient toute notre attention, allant du meilleur – Les Hommes de l’ombre, Baron noir, Les Sauvages, Jeux d’influence –, au pire avec Marseille. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir plusieurs exemples de comédies réussies traitant de ce milieu outre-Atlantique ou chez nos voisins britanniques. Il semble qu’avec l’arrivée de Parlement, lancée ce 9 avril sur la plateforme France.tv, on ait enfin la satire politique hexagonale qu’on appelait de nos vœux.
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Créée par Noé Debré (coscénariste de Dheepan, de Jacques Audiard et de Problemos, d’Éric Judor) et coécrit par Daran Johnson, Pierre Dorac et Maxime Calligaro, Parlement nous plonge dans les arcanes du pouvoir européen, dans son siège strasbourgeois. C’est d’ailleurs dans les décors réels que la série a été tournée, un sacré avantage pour sa crédibilité. Notre point d’entrée dans ce milieu dont la plupart d’entre nous ignorent tout, c’est Samy (Xavier Lacaille), un assistant parlementaire gauche, mais volontaire, dont c’est le premier jour au service du député Michel Specklin (incarné par l’ancien membre des Deschiens, Philippe Duquesne). Sa formation est expéditive, puisqu’il est immédiatement confronté à l’absurdité et la complexité d’un monde dont les règles et les codes lui sont totalement étrangers.
Le voilà forcé de pondre un amendement en urgence sur la pêche des requins. Ce qu’il prend pour une corvée qui finira sans doute au fond d’un placard révèle en fait les animosités, les alliances, les entourloupes et autres trahisons qui peuvent exister entre les différents pays membres de l’Europe. Car même des ailerons de squales en danger peuvent faire trembler une amitié franco-allemande durement gagnée et ressortir le mépris de nos voisins pour… à peu près tout le monde, mais surtout les pays du sud. Samy se trouve péniblement des allié·e·s, en sollicitant l’anglaise Rose (Liz Kingsman) et l’allemand Torsten (Lucas Englander), bien que les doutes soient permis concernant ce dernier, qui passe plus de temps à saboter le petit français qu’à véritablement lui filer un coup de main.
© Francetv
Les situations ubuesques s’enchaînent, on se croirait dans la “Maison qui rend fou” des Douze Travaux d’Astérix. Pourtant, en filigrane, c’est aussi toute la complexité d’un système, dont dépend aussi sa solidité, qui nous apparaît au grand jour. Ces député·e·s européen·ne·s, dont les tenants et aboutissants du travail nous sont souvent hermétiques et qui sont drapés du mythe du ou de la fonctionnaire qui n’en fout pas une, ont enfin un visage. Plus drôle encore, Noé Debré leur attribue même les défauts présumés qu’on pourrait accoler à leurs pays respectifs. L’Allemande est perfide et cassante, l’Italien est roublard, l’Anglaise pro Brexit est une ignorante patentée et le Français est un flemmard bébête qui fuit la moindre responsabilité. Dès le départ, Michel prévient d’ailleurs le jeune Samy qu’il n’y connaît rien : “Ça fait trois ans que je suis ici. Ce n’est pas maintenant que je vais demander comment ça marche…”.
Avec tous ses imbroglios, ses dialogues très bien écrits (en plusieurs langues !) et ses personnages d’un naturel désarmant, Parlement s’avère être une très bonne surprise. Aussi drôle qu’instructive, elle n’est pas sans rappeler la fougue cynique de The Thick of It, l’autre création un peu moins connue, mais tout aussi mordante du showrunner de Veep. Avec un budget pourtant riquiqui de 2,5 millions d’euros pour ses 10 épisodes de 26 minutes, et coproduite avec le concours de la France, l’Allemagne et la Belgique, Parlement est la satire politique hexagonale qu’on attendait !
Les dix épisodes de Parlement sont à découvrir sur France.tv.
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