Mettons les choses au clair dès le départ : non, Lucifer n’est pas une grande série, ni de ces dramas qui marqueront l’histoire du médium. Mais jusqu’ici, elle a tenu son rôle de guilty pleasure, ou plutôt de petite friandise (aucune raison de se sentir coupable !), sans trop d’encombres. On la regarde parce qu’elle est fun, ne se prend pas trop au sérieux et parvient, malgré tout, à nous tirer quelques sanglots de temps en temps. On ne lui en demande pas davantage.
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Pourtant, alors qu’on attaquait sa saison 5 en août 2020, on se demandait combien de temps Lucifer pourrait garder son mojo (à l’instar de son héros, qui le perd au début). On a la réponse avec cette deuxième partie, déroulant ses huit nouveaux épisodes depuis le 28 mai sur Netflix, et le résultat, comme on le redoutait, n’est pas brillant.
© Netflix
On retrouve le gang exactement là où on l’avait laissé il y a presque un an. Dieu est de retour et le Père tout-puissant compte bien restaurer la paix et l’harmonie entre ses fils. Il invite donc Lucifer, Amenadiel et Michael (et Linda) à un dîner de famille. Comme dirait l’autre : what could possibly go wrong ? Sur le papier, faire entrer Dieu dans l’équation était plutôt une bonne idée – surtout quand ce dernier est incarné par Dennis Haysbert.
Il ajoute indéniablement une touche de candeur à l’ensemble, et sa seule présence vient rebooster toute la mythologie de la série. Elle provoque aussi de nouvelles introspections pour à peu près tout le monde. Après tout, Lucifer, sous son folklore démoniaque et sexy, est une série sur le rapport aux autres, sur les relations entre deux personnes qui s’aiment, entre deux frères, entre une mère et son enfant, etc.
Ce qui est dommage, et c’est franchement une ficelle usée jusqu’à la corde à ce stade, c’est l’utilisation ad nauseam du “will they/won’t they” entre Chloe et le héros. Ils sont ensemble, mais pas vraiment. Ils s’aiment, mais ne peuvent pas se le dire. De quoi la série a-t-elle si peur ? Quel genre de cataclysme redoute-t-elle si, par malheur, ces deux-là devenaient un véritable couple ?
La lassitude est d’autant plus grande que, pour cette deuxième partie, plus encore que pour les précédentes saisons, on ne s’embarrasse même plus avec la subtilité (déjà pas très présente dans la série, mais passons). Chaque enquête est transformée en métaphore de leur relation de couple ou des conflits existants entre Lucifer et ses proches. Ça pourrait être drôle, mais c’est surtout ridicule à longue. Nous prendrait-on pour des truffes ? C’est un peu le sentiment que les scénaristes nous renvoient à la figure.
Si seulement c’était là le seul défaut de Lucifer ! Cette seconde partie de saison 5 n’a pas cessé de décevoir, à chaque tournant. La verve et l’humour piquant des débuts semblent avoir disparu et l’on se sent un peu trahi à l’arrivée. Il n’a jamais été question d’espérer de Lucifer une qualité et une finesse d’écriture dignes des plus grandes séries. Mais on est face à un cas de mort cérébrale (et ça nous peine de l’admettre).
À l’instar de l’épisode musical, la série est ici prise en flagrant délit de paresse intellectuelle. Les scénaristes ont baissé les bras, on ne voit pas d’autre explication. On maintient que la mythologie de Lucifer est ce qui tient encore l’édifice debout, et là-dessus, cette partie 2 a globalement rempli ses promesses jusqu’à un final assez épique. Mais ça ne suffit pas, hélas, à combler tous les nids-de-poule que cette salve d’épisodes a laissés dans son sillage. Certaines storylines ont vraiment morflé…
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Maze continue de pâtir des quatre saisons précédentes qui ont totalement négligé son personnage, la réduisant souvent au rôle de sidekick badass. Ses intrigues sont toujours aussi bâclées et il n’y a guère que son histoire d’amour contrarié avec Eve pour la laisser briller à sa juste valeur. Et d’ailleurs, Eve, incarnée par la délicieuse Inbar Lavi, est vraiment une pépite sous-exploitée dans la série et ça, on ne le digère toujours pas.
Ella Lopez, pourtant traumatisée après avoir failli être tuée par son serial killer de petit ami, n’a pas non plus eu la place ni la résolution qu’elle méritait. Dan, aka le personnage le plus malmené de la série – notre théorie c’est que, depuis le début, les scénaristes de Lucifer le détestent –, a encore servi de punching-ball, ne perdant jamais une occasion de se ridiculiser. Amenadiel et Linda, qui avaient des sentiments conflictuels sur l’immortalité ou non de leur bébé, n’ont pas vraiment pu aller au bout de leurs divergences.
Ça commence à faire beaucoup de raccourcis, et c’est d’autant plus inquiétant que la saison 5 a été écrite comme la dernière, avant que Netflix ne fasse marche arrière et offre une sixième et dernière saison à la série. Tout ce qu’on peut espérer, à partir de maintenant, c’est que le gros cliffhanger du season finale tienne toutes ses promesses pour la suite (et fin) de Lucifer. Sans rien dévoiler des dernières minutes de l’épisode, on peut tout de même affirmer que les cartes sont totalement redistribuées. Mais on reste en terrain conquis, celui de la mythologie, l’un des points forts de la série. On aimerait maintenant qu’elle soigne davantage ses intrigues secondaires qui donnent à Lucifer, quand celles-ci sont réussies, ce petit supplément d’âme qu’on aimait tant avant.
Les cinq saisons de Lucifer sont disponibles sur Netflix.