Huge in France : Gad Elmaleh ou le syndrome de la série d’humoriste

Huge in France : Gad Elmaleh ou le syndrome de la série d’humoriste

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©Netflix

Une série pas vraiment huge.

Il n’est pas le premier et il ne sera pas le dernier humoriste à tenter sa chance sur un format sériel. Aux États-Unis, la série taillée sur mesure pour l’humoriste est quasiment un genre en soi. La popularité du monde du stand-up et ses liens étroits tissés depuis longtemps avec l’univers de la télé ont donné de nombreux shows mémorables, de Seinfeld à Curb Your Enthousiasm en passant par Inside Amy Schumer ou Louie pour ne citer qu’eux. Constat récurrent : le ton de ces séries oscille entre la comédie, le malaise comique, et très souvent cette lose que ressent la personne qui monte sur scène. Il en va de même pour les tentatives françaises, de la réussie Platane (dont la saison 3 est ENFIN en tournage) d’Éric Judor à la moins réussie Les Beaux Malaises, taillée pour Franck Dubosc. Encore une fois, des personnages de losers, un peu beaucoup imbus d’eux-mêmes.

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Gad Elmaleh et ses scénaristes suivent la recette de “la série d’humoriste à la lettre”, en extrapolant une histoire autobiographique. Ce moment, il y a quelques années, où il a tenté de percer aux États-Unis et a été choqué par le fait que là-bas, il est… attention, roulement de tambours… inconnu au bataillon. La série joue beaucoup (trop) sur ce tableau : à chaque fois qu’il rencontre une nouvelle personne et lui balance le gimmick : “C’est Gad !”, perplexité des Américain·e·s devant la vidéo YouTube qu’il leur sort alors comme une preuve irréfutable. OK, très bien, mais peut-on réellement faire une série sur le fait que Gad Elmaleh n’est pas connu aux États-Unis ? Apparemment oui, et on peut même avoir le feu vert de Netflix. 

On en oublie une tentative d’intrigue principale : l’humoriste ne fait pas que se lamenter de ne pas être une star dans la Cité des anges, il tente de recréer un lien avec son fils adolescent, Luke (Jordan Ver Hoeve) qu’il a eu avec une Américaine, Vivian. Le gamin en question est con comme un balai, uniquement obsédé par le fitness, le mannequinat et l’idée de se faire refaire les pectoraux. Point autobiographique numéro 2 : Gad Elmaleh a bien un fils, qui est aussi mannequin. Donc, le gros de la série consiste à l’observer lost in translation à LA, en train d’échafauder des plans plutôt machiavéliques avec son assistant sadomaso (prêt à tout pour le satisfaire) Brian (Scott Keiji Takeda, pas mauvais) pour faire en sorte que son fils accepte de passer un peu de temps avec lui.

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Le choc des cultures est pour le moins caricatural pour une série qui adopte un ton plutôt malaisant, censé jouer sur les nuances du rire jaune. Il y a un vrai décalage entre une volonté de jouer sur l’incompréhension et les moments awkward, un peu comme le ferait un Larry David (toutes proportions gardées), et un manque de point de vue sur le fond. Les personnages américains sont plus horribles les uns que les autres. La série semble nous dire – en sous-texte – que les hommes outre-Atlantique sont devenus des enfants contrôlés par des femmes tyranniques. Ils ont perdu leur balls et ne savent plus comment baiser avec cette histoire de consentement. A moins que ce ne soit uniquement le point de vue réac du Gad de fiction ? Difficile de savoir, mais l’écriture a tendance à brosser dans le sens du poil notre antiaméricanisme primaire. Il y a bien une tentative de renversement des stéréotypes – notamment quand Vivian (Erinn Hayes) suspecte son mec Jason Alan Ross (Matthew Del Negro) de simuler ses éjaculations. Mais elle est aussi assez maladroite. 

Quant à Gad Elmaleh, son alter ego fictionnel s’inscrit dans la droite lignée des humoristes loser et un peu connards sur les bords. L’acteur incarne une version de lui-même aussi pathétique que celle d’Éric Judor dans Platane. Pourquoi ces humoristes, quand ils se mettent en images, ont-ils besoin de charger autant la mule ? Certes, l’humour dépréciatif – se moquer de soi-même et de ses travers pour en faire un spectacle – est la voie royale vers le succès sur scène. N’écrire que des personnages insupportables, égocentriques et creux dans une série, c’est en revanche un vrai problème. On n’a aucune envie de savoir si Gad va renouer avec son fils, s’il va s’épanouir dans le monde du stand-up et trouver l’amour, ou si Jason Alan Ross va décrocher un rôle dans Me Llamo Marco (pour les geeks de séries US, l’un des points fun de Huge in France réside dans ses nombreuses références à des séries américaines, de Jag à Pretty Little Liars). Et encore, ce dernier personnage est en réalité peut-être le plus réussi de la série.

On sent qu’il pointe chez Gad Elmaleh une certaine mélancolie, voire un dégoût de lui-même qu’il aurait été potentiellement intéressant de creuser… d’une façon complètement différente. Ici, les tentatives de créer des enjeux dramatiques – qui apparaissent vite très artificiels – noient le tout. Et il est quasi impossible d’éprouver de l’empathie pour un homme aussi égocentrique, qui a seulement quelque chose à se prouver à lui-même.

La première saison de Huge in France, composée de huit épisodes, est disponible sur Netflix.