Donald “Earn” Glover est de retour plus en forme que jamais dans la saison 2 d’Atlanta.
À voir aussi sur Konbini
On pensait rire dès le début de cette saison 2 d’Atlanta, mais Donald Glover et son frère Stephen nous ont encore pris de court. Cela dit, les deux frangins avaient annoncé la couleur en intitulant cette nouvelle flopée d’épisodes “Robbin’ season” (la saison des braquages). C’est donc sur une séquence d’une extrême violence (un casse à main armée d’un fast-food local) que débute ce deuxième chapitre, entre le bruit assourdissant d’un fusil d’assaut et les hurlements de désespoir d’une victime innocente prise entre les coups de feu.
Sur cette introduction puissante et lourde de sens, la dramédie de FX révélée en 2017 continue d’explorer le contexte socio-économique de la capitale de l’État de Géorgie, à travers le quotidien du gentil loser Earn, incarné par celui que l’on connaît aussi sous le nom Childish Gambino. Tentant désespérément de lancer son cousin dans une carrière musicale florissante, le rappeur Paper Boi (Brian Tyree Henry), Donald “Earn” Glover nous livre sans concession les malheurs et les espoirs de ces mecs du quartier abandonnés par leur gouvernement.
Entre violence crue et humour absurde, cette deuxième saison d’Atlanta commence sous les meilleurs auspices, poursuivant sa critique acerbe de la société américaine et l’exploration des états d’âme de ses personnages tous plus attachants les uns que les autres, Darius (Lakeith Stanfield) en tête.
Rires et grincements de dents
La chronique de vie de Donald Glover peut se lire comme une anthologie, avec les mêmes personnages qui reviennent à chaque épisode. Le musicien/scénariste/acteur ne cesse de nous prendre au dépourvu, enchaînant les situations cocasses et complètement délirantes avec ses deux compères. Il assure également un comique de répétition avec des running gags permettant de lier les deux saisons, comme les galères de thune d’Earn et les divagations spirituelles de Darius.
Si on rit allègrement devant Atlanta, la série n’oublie pas d’appuyer là où ça fait mal. Par exemple, en introduisant des figures controversées de la pop culture, le rappeur Tay-K et l’ancien joueur de la NFL Michael Vick, en saison 2. Le premier a un casier judiciaire long comme un immeuble de Trump, l’autre participait à des combats de chiens illégaux. Deux personnalités qui nous sont étrangères dans l’Hexagone, mais qui évoquent de douloureux souvenirs et des affaires scandaleuses chez l’Oncle Sam.
À travers ces deux figures polémiques, Donald Glover s’en prend frontalement au système carcéral américain et aux stigmatisations raciales qui gangrènent son pays et ne font que s’exacerber depuis l’élection de Donald Trump. Il génère un sentiment de malaise en introduisant ces personnages au sein d’une famille de banlieue, en normalisant ces criminels comme s’ils pouvaient se fondre au milieu de la population. La team créative avait déjà fait le coup (brillant) en 2017, transformant Justin Bieber en un chanteur noir campé par Austin Crute, clin d’œil critique vis-à-vis des pratiques hollywoodiennes et du whitewashing.
La dramédie de Childish Gambino continue de faire voler en éclat les stéréotypes, quitte à les inverser. C’est comme si les braquages évoqués par le titre de la saison représentaient nos idées reçues, les faisant symboliquement voler en éclats tout en remettant en cause nos valeurs, notre identité. D’une main de maître, Donald Glover et son frère confirment que les héros et les vilains de notre enfance ne se trouvent pas dans les comics, mais cohabitent dans une société qui enchaîne les débats stériles. Et dans la série, ces réponses imaginées par le emcee donnent des situations absurdes, tordantes mais d’une vérité brute, qui dérange et interpelle.
Poésie urbaine et mythe de l’alligator
Le symbole de ces dissonances est le personnage de Darius, touchant et lyrique. Dans sa tête détraquée par la fumette, des concepts énigmatiques et complètement surréalistes tournent en boucle, dignes des meilleures creepypastas sur Internet. Dans le season premiere, Darius théorise sur “Florida Man” ou “Alligator Man”, un redneck souffrant de crises de violence extrême, qui terroriserait Miami et ses alentours en s’attaquant à des innocents.
Cette métaphore abracadabrantesque, miroir des angoisses profondes de la société américaine nées des tueries de masse et des tensions raciales, prend réellement forme dans la série lorsque des flics tentent de coffrer sans raison l’oncle d’Earn, qui les chasse avec… un véritable alligator domestique. Désarçonner le spectateur par l’absurdité d’une situation pour mieux l’impacter ensuite face à la réalité, c’est le credo (poignant et efficace) des Glover.
Au milieu de ses réflexions sociopolitiques, la série continue d’être traversée par une poésie mélancolique, presque macabre par instants. C’est le cas dans ces plans aériens survolant Atlanta, qui ressemble à une ville fantôme, vestige d’un rêve américain embourbé dans la pauvreté et la criminalité des suburbs. Une fable satirique qui se prend encore une fois forme dans les dialogues enflammés et glaçants de Darius, expliquant la saison des braquages par “l’arrivée de Noël, [où] tout le monde doit trouver un truc à bouffer”.
Toujours écrite avec sincérité et subtilité, couronnée d’interprétations impeccables voire habitées et d’un humour tantôt noir, tantôt absurde d’une rare efficacité, la saison 2 d’Atlanta tient toutes ses promesses dans ses trois premiers épisodes. Si la forme et le ton sont parfois plus convenus, l’esprit créatif de Donald Glover propose des couches et des couches de niveaux de lecture qui font probablement d’Atlanta l’une des séries les plus réalistes et pertinentes sur l’Amérique contemporaine. Dommage que ce soit le mauvais Donald à sa tête.
En France, la saison 2 d’Atlanta est diffusée en US+24 sur OCS City.