Hier, mardi 2 juin, ce sont des dizaines de milliers de personnes (20 000 selon la police, 80 000 selon les organisateur·rice·s) qui se sont massées, dès 19 heures, devant le parvis du Tribunal de grande instance de Paris, pour affirmer leur colère de voir des personnes tuées à cause de leur couleur de peau. En 2016, Adama Traoré soufflait qu’il ne “pouvait plus respirer”. Le 25 mai dernier, plaqué sur le ventre, George Floyd prononçait ces mêmes mots, en anglais : “I can’t breathe.”
À voir aussi sur Konbini
Des milliers de kilomètres d’écart, une langue différente mais une souffrance et un racisme communs. Face à des systèmes judiciaires verrouillés, les manifestations grondent à travers les États-Unis et l’Europe. À Paris, le photographe Bichara a immortalisé un rassemblement inédit, émouvant et puissant.
© Bichara
Dans l’œil de Bichara
Cela fait trois ans que l’artiste couvre le combat de la famille Traoré. Le 19 juillet 2016, le jeune Adama, âgé de 24 ans, mourait lors d’un plaquage ventral effectué par trois gendarmes, à Beaumont-sur-Oise. Depuis, le collectif La Vérité pour Adama, mené par la sœur du jeune homme, Assa Traoré, réclame que justice soit faite et que cessent enfin les violences policières.
L’été dernier, Bichara immortalisait un nouveau rassemblement organisé par le collectif pour témoigner des violences policières et des bavures impunies. Ces dernières années, c’était quelques milliers de personnes, notamment des proches ou des personnes ayant directement perdu un proche à cause des violences policières, qui se réunissaient. Le photographe raconte avoir vécu hier une manifestation d’un nouvel ordre, comme “l’apogée” d’un combat qui dure depuis trop longtemps.
© Bichara
Bichara narre, en mots et en images, un “rassemblement de personnes de toutes les couleurs, de toutes les classes sociales” et des manifestant·e·s plutôt jeunes, parfois plus qu’à l’accoutumée. Tou·te·s muni·e·s pour la majorité de masques.
“J’en ai fait des manifestations pour Adama et pour la liberté d’expression, mais je n’avais jamais vu autant de très jeunes. D’habitude, ils ne se sentent pas forcément très concernés. Là, tu les sentais concernés. Il y avait énormément de gosses, ça commençait à 14-15 ans. Ils étaient debout comme des adultes. [..] C’était incroyable dans la mixité et diversité de personnes, les gens se sont comme réveillés. […] À un moment, la foule a chanté ‘La Marseillaise’ en cœur et c’était très émouvant.”
© Bichara
“Un rassemblement d’une rare intensité”
Sabrina, fraîchement diplômée d’un master de sciences politiques, était également présente. Elle aussi raconte l’intensité et la grande émotion vécue pendant la manifestation :
“L’élan de solidarité m’a incroyablement émue, ça faisait vraiment chaud au cœur. Il y avait beaucoup de Blancs. Les gens comprennent que cette lutte n’est pas faite que pour ceux qui la vivent mais qu’il est absolument nécessaire d’avoir des alliés, des personnes blanches et de toutes origines, qui ne sont pas forcément pénalisées par leur couleur de peau dans leur quotidien. C’est comme s’ils disaient : ‘Il est hors de question que vous soyez les seuls à vous battre contre quelque chose de si injuste’, et ça fait du bien.”
© Bichara
Placé en tête de cortège, Bichara se trouvait non loin d’Assa Traoré et des personnalités présentes, dont Camélia Jordana et sa musique, Sadek et “son beau discours sur la distinction nécessaire à faire entre la police qui nous protège et la police fasciste qui ne fait pas son travail”, Aïssa Maiga, Adèle Haenel ou encore Jacquemus.
À la volée, il a immortalisé toutes “ces personnes qui manifestaient avec de l’engagement”. “Je voulais immortaliser le ras-le-bol, la participation dramatique. Les gens savaient pourquoi ils étaient là”, explique-t-il.
© Bichara
Bichara, tout comme Sabrina, insiste sur “l’extrême bienveillance” du cortège. “Des groupes de jeunes filles distribuaient du gel hydroalcoolique, des lingettes, des masques. Après les coups de lacrymo de la police, elles distribuaient du lait et des gouttes pour les yeux”, rapporte Bichara.
Sabrina souligne que “la plupart des personnes présentes en terrasse et sur les balcons nous applaudissaient, se levaient pour nous, scandaient avec nous. Nous on répondait : ‘Ne nous applaudissez pas, rejoignez-nous'”.
© Bichara
Vers 21 heures, la foule a commencé à se disperser. La police a eu des gestes de dispersion de foule et a tiré des bombes lacrymogènes, notamment depuis le deuxième étage du tribunal. Le collectif de La Vérité pour Adama était très présent pour faire redescendre la pression, rapporte le photographe.
Après Paris, d’autres villes françaises organisent des rassemblements pour apporter leur soutien à la famille Traoré et montrer que la lutte anti-raciste est un combat collectif, à laquelle doivent aussi prendre part celles et ceux qui n’en souffrent pas directement.
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
© Bichara
Vous pouvez retrouver le travail de Bichara sur son compte Instagram.