En 2018, Instagram annonçait avoir atteint la barre du milliard d’utilisateur·rice·s actif·ve·s. La maison-mère Facebook explose toujours les compteurs avec ses 2,45 milliards membres, mais l’ascension éclair de la plateforme dédiée à l’image (qui attire environ 200 millions de nouveaux·elles adeptes chaque année depuis trois ans) pousse l’entreprise de Mark Zuckerberg à y porter une attention toute particulière.
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Malheureusement, cela passe par un polissage extrême des contenus, souvent bien proche de la censure. Cette année, la newsletter féministe Salty notait que le réseau censurait davantage les contenus LGBTQ+ soit sans explication aucune, soit en identifiant les personnes queers comme des escorts.
Récemment, la BBC s’est intéressée aux cas des personnes travaillant devant les caméras de l’industrie pornographique. Des voix de stars du X s’élèvent de plus en plus contre Instagram, affirmant que leurs comptes sont très régulièrement supprimés et leurs contenus censurés sans même poster des images plus dénudées que d’autres célébrités présentes sur le réseau.
“Je n’y comprends rien, la photo était en ligne depuis à peine une minute.” (© @SabrinaTheBunny)
L’actrice de films pour adultes Alana Evans a rassemblé au sein de l’Adult Performers Actors Guild (l’APAG, une association qu’elle préside, créée pour assurer les droits et la reconnaissance des performeur·se·s du X) plus de 1 300 collègues affirmant que leurs comptes avaient été supprimés sous prétexte qu’ils violaient les règles de la communauté alors même qu’ils et elles ne montraient ni nudité, ni contenus sexuels.
En réponse à ces accusations, un porte-parole de Facebook a déclaré à la BBC qu’étant donné la “communauté internationale si diversifiée” d’Instagram, le groupe était obligé de mettre en place des “règles très strictes concernant la nudité et la sollicitation sexuelle afin de s’assurer que les contenus soient adaptés à tous les publics, notamment les plus jeunes.” Ce qui désole les acteur·rice·s en question, c’est cependant qu’il semble exister une règle de “deux poids, deux mesures” les concernant, et qu’un contenu approuvé pour une star de cinéma classique ne passerait jamais pour leur domaine :
“Je devrais pouvoir copier le modèle du compte de Sharon Stone ou de n’importe quel autre profil vérifié mais la vérité, c’est que mon profil serait aussitôt supprimé. Quand on prend du temps pour créer un compte réunissant plus de 300 000 abonné·e·s et que celui-ci disparaît, c’est vraiment démoralisant. Même en suivant les règles, le compte est supprimé. Et c’est vraiment frustrant”, déclarait Alana Evans à la BBC.
Exclure pour marginaliser et affaiblir ?
Selon la présidente de l’APAG, cette censure vise à marginaliser le travail des stars du X en les excluant des réseaux sociaux. Si Instagram semble supprimer avec facilité ces contenus, la plateforme est bien aidée par des utilisateur·rice·s anonymes qui prennent un malin plaisir à signaler les comptes de ces acteur·rice·s en les enjoignant par exemple à “quitte[r] le porno et mener une vie plus respectueuse”.
Une actrice X partage ici ce message reçu d’un utilisateur anonyme la menaçant de continuer à signaler ses comptes sur les réseaux sociaux : “Ton compte Instagram a été supprimé à cause de tes activités porno. Quitte le porno et vis une existence meilleure et plus respectable que celle que tu mènes aujourd’hui. N’essaie pas de créer un nouveau profil, je le ferai supprimer à chaque fois. N’oublie pas non plus que me bloquer est inutile. Tu peux demander à @JayxxLynn [une actrice porno, <em>ndlr]</em> #NonAuPorno #NonAuxStarsDuPorno.” (© @TheRealLaceyJ)
“Les individus qui nous signalent ne comprennent pas que nos salaires sont touchés, ou alors ils s’en contrefichent. Ils pensent qu’on ne devrait pas faire ce métier ou qu’il ne devrait même pas exister”, développe l’actrice et militante pour les droits des travailleur·se·s du sexe Ginger Banks.
Les sociétés de production réservées aux vidéos pour adultes s’aident grandement des réseaux sociaux pour recruter. Plus leur taux d’engagement est fort, plus il sera repérable par les personnes en charge des castings, et plus le salaire sera ouvert à la discussion. Un compte supprimé et un retour à zéro avec peu d’abonné·e·s pose donc problème au niveau professionnel.
Une marginalisation qui gagne du terrain
Si les acteur·rice·s concerné·e·s s’émeuvent de l’hypocrisie autour de leur présence sur les réseaux sociaux, c’est aussi parce que le réseau s’attaque à tous les domaines ouvrant les perspectives en matière de sexe. Comme le rapporte la BBC, l’artiste Rachel Rabbit White a vu son compte supprimé après avoir publié des photos de son exposition “The Revolutionary Art of Queer Sex Work” (“L’Art révolutionnaire du travail du sexe queer”, ndlr) :
“J’ai publié des images d’archive, des photos historiques très importantes d’érotisme lesbien venant d’une galerie très cotée. J’ai fait très attention à ne pas montrer de téton ou de parties génitales nues. Mais deux heures après, mon compte était supprimé.”
En faisant entendre leurs voix grâce à des manifestations, sur les réseaux ou dans les médias, acteur·rice·s porno et travailleur·se·s du sexe espèrent recevoir des réponses claires d’Instagram et être traité·e·s de la même façon que leurs collègues plus “classiques”, tout en prenant garde à ne pas diffuser de contenus explicites, évidemment.
“Incroyables scènes devant les quartiers généraux d’Instagram hier après-midi. Des travailleur·se·s du sexe réclamaient un rendez-vous avec l’entreprise, des règles claires et la fin du blocage de leurs comptes.” (© @UniterStripper)
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