À la fin de l’été 2019, une équipe de scientifiques du Massachusetts créait par accident le “noir le plus noir du monde”. Un an plus tard, sentant peut-être le besoin d’un peu plus de lumière pour tous, c’est le blanc le plus blanc du monde qui vient d’être révélé grâce à une équipe de l’université Purdue, dans l’Indiana. À titre de comparaison, les nanotubes de carbone ultra-noirs de la première équipe capturaient au moins 99,995 % de la lumière, tandis que la peinture acrylique blanche de la seconde refléterait 95,5 % de la lumière.
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Cette invention pourrait être d’utilité publique, puisqu’elle permettrait de rivaliser avec notre très polluant air conditionné, précise Artnet. En effet, plus une couleur absorbe la lumière, plus elle chauffe (pensez à ces jours de grande chaleur où vous décidez malencontreusement de porter du noir). La peinture blanche imaginée par Xiulin Ruan et Joseph Peoples fait l’inverse et absorbe moins de 5 % de la lumière reçue. Elle reste ainsi plus fraîche que son environnement. Selon l’étude publiée par les scientifiques, cette technologie pourrait maintenir une surface jusqu’à 7,7 degrés Celsius de moins que la température extérieure.
Les chercheurs de l’université Purdue, Xiulin Ruan (à gauche) et Joseph Peoples (à droite) comparent les pouvoirs de rafraîchissement d’échantillons de blancs sur un toit. (© Jared Pike/Purdue University)
Une peinture bénéfique pour la planète ?
Dans un communiqué, les scientifiques affirment qu’aucune autre peinture actuellement sur le marché ne permet à une surface de rester plus fraîche que la température ambiante. Leur découverte, insistent-ils, pourrait même aider à “combattre le changement climatique, puisqu’elle rejette les rayons du soleil et la chaleur dans l’espace”. Xiulin Ruan parle bien ici du “cosmos” et pas de l’atmosphère – ce qui serait évidemment contre-productif. Le chercheur ajoute que, selon ses calculs, un bâtiment recouvert de cette peinture permettrait de réaliser des économies d’énergie (d’environ 60 centimes d’euros pour un appartement de 100 mètres carrés).
La peinture est le résultat de six ans de recherche “basés sur des essais commencés dans les années 1970”, souligne Futura Sciences. Le produit est composé de carbonate de calcium, une substance peu coûteuse (moins chère que le dioxyde de titane habituellement utilisé dans les peintures du commerce), parce qu’elle se trouve facilement dans les minéraux naturels de notre planète, notamment dans “les roches et les coquilles des mollusques”.
Une caméra infrarouge montre que la peinture blanche développée par l’université Purdue (à gauche) reste plus fraîche qu’une peinture blanche du commerce (à droite) lorsqu’elles sont placées face aux rayons du soleil. (© Joseph Peoples/Purdue University)
La course aux couleurs
En 2016, l’artiste contemporain Anish Kapoor acquérait le brevet du Vantablack, un des noirs les plus noirs du monde, interdisant à quiconque de l’utiliser. En réponse, l’artiste Stuart Semple mettait en vente un autre pigment ultranoir accessible à tou·te·s sauf à Anish Kapoor. Devant ces découvertes concernant le blanc, l’artiste écossais persiste : il vient de mettre en vente un “blanc 2.0”. Stuart Semple a créé cette vente afin d’empêcher toute nouvelle appropriation d’une couleur :
“En ce moment, plusieurs laboratoires travaillent sur une peinture ultra-blanche. Malheureusement, ils veulent tous la commercialiser. On pense que ce blanc pourrait facilement être verrouillé, empêchant des artistes de l’utiliser”, écrit l’artiste militant.
Le lot de blancs proposé par Stuart Semple. (© Stuart Semple)
Le jeune homme propose d’envoyer des lots de trois souches de blancs différents pendant que les laboratoires sont confinés. Il demande à ses “amis artistes du monde entier […] [de l’]aider à créer la peinture blanche la plus blanche du monde avant que les méchants ne retournent au travail”.
Pour acheter un des lots (épuisés en ce moment), il est nécessaire de certifier sur l’honneur ne pas être un “criminel de la couleur” (ainsi défini : “Anish Kapoor, T-Mobile, Daniel Smith, 3M, DuPont, ISIS Neutron et Muon Source”). En 2020, il s’agit donc, selon Stuart Semple, de choisir son camp : souhaitez-vous faire partie des gentil·le·s ou des méchant·e·s de la couleur ?