Sur “Empowered Birth Project“, pas de censure ni de tabou. En scrollant sur ce compte Instagram, on peut voir des photos et vidéos d’accouchements, que ce soit par voie basse, par césarienne, à la maison ou encore dans l’eau… Les images, crues, parfois violentes, laissent voir des vagins, des ruptures de poches des eaux, du sang, des placentas, et bien sûr, des bébés qui voient le jour pour la première fois.
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Derrière ce compte, on retrouve l’infirmière Katie Vigos, vivant à Los Angeles. Cette jeune mère de trois enfants a décidé de lancer ce projet après avoir donné naissance à son deuxième fils, chez elle. Alors qu’elle se préparait à ce moment, elle a été confrontée à un manque de ressources sur l’accouchement à la maison et a décidé de combler ce vide en parlant de naissances sur Insta, de façon libre et constructive.
Lancé en 2014, “Empowered Birth Project” rassemble aujourd’hui plus de 400 000 abonné·e·s, et se donne pour objectif de “rappeler leur force aux personnes qui accouchent”, et de “guérir grâce aux histoires racontées”. Mais aussi, de replacer l’humain – les parents, l’enfant, les liens familiaux – au centre du processus.
“Le manque d’infos sur l’accouchement et tout le mystère qui l’entoure ont comme conséquences de déconnecter les personnes de leurs corps. Un nombre déconcertant d’entre elles donnent naissance sans jamais avoir vu ce que leur corps était sur le point d’accomplir”, expliquait récemment Katie Vigos lors d’un entretien pour le magazine Néon.
En bref, une jolie initiative pour documenter, démystifier et ouvrir le dialogue sur l’accouchement, grâce à l’expérience de centaines de personnes.
Dépasser la censure des réseaux
Pour en arriver là, Katie Vigos a d’abord dû se battre contre la censure des réseaux sociaux. Quand on sait qu’Instagram ne tolère pas la vue d’un téton, il peut effectivement paraître surprenant de trouver, sur la même plateforme, des gros plans d’accouchements. Et si cela est possible, c’est justement grâce à l’infirmière californienne, qui a réuni plus de 23 000 signatures sur une pétition pour autoriser les images de naissances sur Facebook et Instagram.
“Cette attitude généralisée envers les naissances est contre-productive pour notre mission, qui est de normaliser l’accouchement et de le libérer de la honte, de la stigmatisation et du tabou social”, écrivait l’infirmière sur le site de la pétition. Au mois de mai 2018, l’implication militante de Katie Vigos payait : les deux plateformes ont fait de l’accouchement, des images post-naissance (comme l’allaitement) et des situations de santé des exceptions à leur politique de censure de la nudité.
Avant cet assouplissement en matière de modération, la créatrice d’”Empowered Birth Project” a eu le temps de voir beaucoup de ses posts disparaître sous la censure, car jugés contraires aux “règles de la communauté”.
Les photos d’accouchements, trop souvent incomprises
L’engagement de Katie ne se limite pas à Instagram. Il s’agit aussi, plus largement, de s’attaquer à un tabou culturel, pour cesser de considérer l’accouchement comme un moment douloureux, sale et parfois traumatisant. Car une personne qui donne naissance fait preuve de force, dépasse ses limites et ressent de la joie et de la fierté.
Et il semble que les parents soient de plus en plus nombreux à vouloir immortaliser ce moment, puisque comme l’explique cette journaliste du New York Times, les demandes envers les photographes de naissances sont croissantes aux États-Unis depuis quelques années. “Ce moment où mon mari et moi découvrirons le sexe [de l’enfant, ndlr] ? C’est quelque chose que je veux voir arriver”, racontait une future maman au journal américain.
Une autre, rapportait au Harper’s Bazaar une conversation qu’elle avait eue avec son mari, sur son choix d’engager un·e professionnel·le le jour de son accouchement : “Je lui ai expliqué que ce moment allait changer ma vie pour toujours. Mes photos de mariages étaient importantes – mais pas autant que ça.”
Pour autant, les images de naissances restent souvent incomprises, et sont encore bien moins populaires que les shootings photo de grossesse, qui laissent voir un ventre rond et bien tendu. Heureusement, Katie Vigos tend à équilibrer la tendance et à normaliser les accouchements. Ce qu’elle veut, c’est que les personnes qui regardent son compte Instagram se sentent plus informées, inspirées, et se disent : “Si cela est possible, alors tout est possible.”