Le monde de l’art paraît opaque, plein de rebondissements… Et c’est exactement ce que met en avant le podcast Art Bust. Sous la houlette du journaliste britannique Ben Lewis, chaque épisode a pour ambition de “dévoiler les crimes les plus affreux et les histoires les plus scandaleuses du monde de l’art, ainsi que toute la boue qui traîne au milieu”.
À voir aussi sur Konbini
Le tout se dévore comme un feuilleton policier : le présentateur dévoile ses informations au fur et à mesure, fait durer le suspense et interroge des spécialistes sur fond de musique énigmatique. Chaque épisode, d’une trentaine de minutes, se concentre sur une affaire, permettant de raconter et d’interroger les rouages d’un marché aux apparences policées mais au trouble sous-terrain. Parce qu’on a adoré écouter les scandaleuses histoires narrées dans Art Bust, voici un top des trois histoires les plus folles ayant secoué le monde de l’art ces dernières années.
L’histoire du pilleur artistique et moral
Exceptée leur origine néo-orléanaise, tout semblait séparer Clementine Hunter et William Toye. La première, une artiste noire, est née vers 1886 dans des États-Unis ségrégués et passa sa vie dans une plantation. Analphabète, elle se mit à peindre seule et réalisa des centaines de toiles qui finirent cotées et exposées.
De l’autre côté, William Toye, un homme blanc, est décrit dans Art Bust comme un menteur compulsif : “Si on lui avait demandé quel temps il faisait dehors et qu’il pleuvait, il aurait répondu qu’il y avait du soleil.” Si les mensonges sortaient de sa bouche, les mains n’étaient pas en reste : l’homme était capable de réaliser des faux de Renoir, Monet ou Gauguin.
Le faussaire aurait essayé de grassement s’enrichir avec des répliques de Matisse et Degas. Cela aurait pu fonctionner si des spécialistes ne s’étaient pas demandé pourquoi de tels chefs-d’œuvre se retrouvaient dans une si petite vente. William Toye a donc utilisé les rapports de force dont il avait profité toute sa vie et s’est mis à copier le travail de Clementine Hunter, reflétant des siècles d’histoire états-unienne : “Des Blancs qui profitent du travail et de la créativité de Noirs.”
Clementine Hunter, “Sans titre (Après la messe dominicale)”, vers 1970.
Le travail de la peintre reflétait son existence, le racisme, la ségrégation, la misogynie qui faisaient partie de son quotidien. L’affaire de contrefaçon se double donc de problématiques d’appropriation culturelle et de racisme systémique. Clementine Hunter est morte en 1988, à 101 ans. Elle n’aura jamais vu celui qui profita sans vergogne de son œuvre se faire enfin arrêter par les autorités, en 2009. William Toye est mort en 2018, et le journaliste Ben Lewis en est sûr : “S’il y a une vie après la mort, Clementine Hunter n’a pas rencontré William Toye, ils sont clairement allés dans deux endroits différents.”
L’histoire du “mini Madoff” de l’art contemporain
Il était une fois un jeune prodige de l’art contemporain qui, avant ses 25 ans, empilait contacts, succès et millions. Fort d’une “aura à la Gatsby”, Inigo Philbrick se montrait partout, “toujours entouré de sa cour et de bulles de champagne”. “Tous les gens qui le connaissaient l’aimaient, et tous ceux qui ne le connaissaient pas voulaient le connaître”, résume Ben Lewis dans son épisode d’Art Bust.
On lui prête un bon œil, l’homme est érudit. C’est cependant plutôt les cotes des artistes que leur technique qui font vibrer son cœur et Inigo Philbrick se prend de passion pour la culbute financière avec une devise : “Acheter à bas prix, revendre cher et surtout, vite.”
Inigo Philbrick vend simultanément des parts d’œuvres qu’il ne détient pas, gonflant leur prix et espérant constamment se rattraper grâce au coup suivant, dans un schéma semblable à une Pyramide de Ponzi lourd de plus de 21,5 millions d’euros. L’épisode interroge les dessous du marché de l’art contemporain : si les fraudes d’Inigo Philbrick ont fonctionné, c’est bien parce que les arnaqué·e·s traitaient les œuvres comme de simples marchandises.
Kim Kardashian et un réseau de contrebande internationale
Matthew Bogdanos, un procureur de Manhattan, n’a jamais été particulièrement fan de Kim Kardashian. Les choses ont peut-être changé en quelques années, puisqu’il peut aujourd’hui la remercier de l’avoir aidé à résoudre une enquête judiciaire.
En 2018, à l’occasion du Met Gala, Kim Kardashian apparaît vêtue d’une somptueuse robe Versace dorée. La femme d’affaires a la bonne idée de poser à côté d’un sarcophage exposé au Met, tout aussi étincelant qu’elle. Involontairement, Kim Kardashian a eu le nez creux en posant à côté du sarcophage, acquis par le célèbre musée new-yorkais un an auparavant, pour quatre millions de dollars.
Pas de chance, l’objet sacré était volé et transitait de façon illégale. Le cercueil aurait été déterré par des pilleur·se·s en 2011, lors de la révolution égyptienne, avant de passer par l’Europe et d’être revendu de l’autre côté de l’océan Atlantique. Le pot aux roses est découvert lorsqu’un des pilleur·se·s tombe sur le cliché de Kim K. Il reconnaît tout de suite le sarcophage qu’il a aidé à déterrer quelques années plus tôt et dont il n’a plus reçu de nouvelles.
Jamais prévenu que l’objet avait fini sa course dans un prestigieux musée, il n’a pas reçu son dû pour sa participation. Furax, il prévient les autorités. Un reste de doigt momifié oublié par le groupe a permis d’identifier l’artefact. Cela faisait cinq ans que le réseau était traqué. “Une unique photo” a permis aux autorités de remonter leur piste et, en 2019, le sarcophage a enfin pu être rapatrié en Égypte. Merci Kim !