Cette scène se déroule en 2016 et résume les idées délétères qui contaminent notre douce France. Cher pays de notre enfance. Celui qui nous a élevés dans le berceau de la démocratie avec trois nobles principes : liberté, égalité, fraternité.
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Prenez quelques secondes, et regardez bien cette photo… Vous l’avez déjà vue et revue circuler sur Internet depuis ce matin, mais fixez-la une dernière fois. Assez longuement pour encaisser le choc infligé par la scène, immortalisée, là, cet été. Oui, en 2016.
Retirez de vos crânes ce burkini, on vous a menti pour mieux vous aveugler : cette femme n’en porte même pas. Vêtue d’un pantalon noir, d’un haut à manches longues et d’un petit foulard, elle venait simplement se faire bercer par le bruit des vagues, au soleil. Quand quatre policiers municipaux sont venus pour la réveiller. Le deal : se dévêtir, ou dégager. Elle s’exécute pendant qu’un flic dresse un procès-verbal qui conduira à une amende de 11 euros, sous les regards impassibles des autres vacanciers venus se dorer la peau.
La scène se déroule à Nice, au bord de la promenade des Anglais, hier frappée par un attentat. Au lieu de s’attaquer au terrorisme, la municipalité préfère plutôt s’en prendre à des innocents. En 48 heures, 16 personnes ont été verbalisées à Nice, qui fait partie de ces villes balnéaires du Sud de la France qui ont décidé de prohiber le burkini. Comme à Cannes, l’arrêté interdit l’accès à la plage à “toute personne n’ayant pas une tenue correcte, et notamment non respectueuse de la laïcité.”
Pour rappeler ce qu’est la laïcité à ceux qui en font une armure rouillée pour y dissimuler une certaine xénophobie :
- Article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : “Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.”
- Article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 : ” La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.”
- Article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 : “Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.”
Avec une telle atteinte aux libertés individuelles, la France devrait elle aussi être poursuivie, car elle se voile la face. Un voile qui tombe peu à peu aujourd’hui. Laissant se dévoiler un visage, le visage de la honte. Ce n’est pas celui de Marianne : on ne l’a pas forcée à retirer son bonnet, mais son âme disparait à mesure que les valeurs qu’elle incarne se dissipent.
“Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits”, c’est ce qu’on nous a pourtant appris, rabâché, dès nos premiers pas dans cette société. Lorsque, du haut de notre innocence, nous n’avions aucune vision sur ce qui nous attendait. Plus tard, nous nous rendrons compte que le pouvoir rend les droits de l’homme et du citoyen obsolètes.
Liberté, égalité, fraternité
On se croirait des dizaines d’années en arrière. Plusieurs sentiments me traversent à la vue de cette scène. Incompréhension, d’abord. Tristesse et bouleversement, ensuite. Révolte et haine, pour poursuivre. Puis honte, honte du pays dans lequel on vit, des combats insensés qu’il mène, de l’image qu’il rejette. Honte aussi quand je me mets à la place de cette femme, qui n’a rien demandé si ce n’est vivre librement, tout en respectant les autres, sans ne déranger personne.
Cette femme aurait pu être la mère d’un ami, arrivée en France dans les années 1980 comme un Français s’envolerait outre-Atlantique en quête du rêve américain. Son rêve, à elle : tout simplement vivre sa vie de post-diplômée, trouver un second souffle de liberté, et donner à ses futurs enfants la chance de grandir dans un pays développé.
Une maman qui se retrouve aujourd’hui abasourdie par la situation qu’elle observe en silence. Choquée, triste, déçue, plein de sentiments pour peu de mots. Plus la force. Que voulez-vous faire à part observer et vous morfondre, avec cette juste impression que la France pose le pied dans le piège de l’islamophobie. Marine Le Pen n’est pas présidente, et Robert Ménard n’est pas son Premier ministre. Mais ce climat pourrait le laisser croire.
Par quelque moyen, aussi con soit-il, la stigmatisation des musulmans a atteint un niveau de brutalité hallucinant. Notre pays se morfond dans la division, crachant sur l’égalité qu’il n’a cessé de prôner. La liberté, quant à elle, est ici retirée. La fraternité… quelle fraternité ? La France s’enfonce dans le racisme. Une majorité de ses citoyens n’y est pour rien. Le pouvoir qui les régit crée cette haine qu’ils constatent, l’installe et, comme une maladie, celle-ci se propage jusque dans les pensées de certains. Aux manettes, des politiciens qui, aveuglés par le pouvoir et l’intérêt propre, font régresser tout un pays.
Le burkini, qui permet à une femme d’accompagner son enfant dans l’eau, a été interdit parce qu’il ne correspondrait pas, selon Manuel Valls, aux valeurs de la France. Quelles valeurs, au juste ? Le respect, la tolérance, l’acceptation ? Niet, elles sont ici bafouées. Instrumentalisée, la religion divise aujourd’hui. Et il ne peut pas arriver pire à notre monde.