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Juice WLRD a conquis beaucoup de monde en 2018 avec des ballades mélancoliques, qui sont entrées d’office dans le répertoire commun tant elles reprenaient des mélodies connues de tous. Avec “Lucid Dreams” par exemple, il s’attaquait au sample symbolique de Sting, déjà utilisé par Nas sur “The Message”.
Avec une formule proche de celle, florissante, de Post Malone ou de Lil Uzi Vert, Juice WRLD semblait alors être un ersatz de tout ce qui marche en ce moment, un condensé extrêmement réussi bien que manquant un peu d’âme, comme tiré d’une superproduction de Disney Channel. Mais, depuis, le rappeur de Chicago n’a cessé de progresser, dans sa proposition comme dans les classements.
Ses singles comme “Armed & Dangerous” ou “Robbery” ont cassé les scores avec des performances vocales plus affûtées et une écriture plus précise. Car c’est ce qui est le plus marquant avec Juice WRLD : il sait tout faire. Chanter, rapper de manière technique, improviser à l’infini ou encore se confronter aux meilleurs, comme à Future sur Wrld on Drugs. Il est toujours au top.
Comme Justin Timberlake passant par le Mickey Mouse Club puis NSYNC, Juice WRLD a fait une formation accélérée. Il est encore plus impressionnant sur Death Race for Love, son deuxième album en moins d’un an. En quelques semaines bien tassées, le rappeur a ingurgité des millions de nouvelles influences et s’en est servi pour polir sa voix déjà cristalline.
C’est surtout au niveau de la production qu’il fait un véritable bond en avant. Tout est millimétré et travaillé avec la crème du genre, dont des artistes comme Hit-Boy, Boi-1Da ou Purps. Sur le très réussi “The Bees Knees”, on retrouve même le chef d’orchestre No ID, mentor de Kanye West et qui a déjà donné de nouveaux souffles à Common ou à Jay-Z.
Le résultat est incroyablement fouillé, et dégage une énergie aussi proche du punk rock des années 2000 à la Sum 41 et Blink-182 que de la trap élégante et minimale de Gunna ou Playboi Carti.
Une relecture moderne des standards américains
La qualité et l’abondance des mélodies et des différents flows proposés par l’artiste de Chicago sont souvent vertigineuses. Dans ses thématiques, il est aussi totalement contemporain, mélangeant peines de cœur déchirantes, consommation de drogues à haute dose et mélancolie du quotidien.
Comme un Kurt Cobain cartoonesque intégré dans un High School Musical, Juice WRLD jongle entre authenticité et synthétique. Il arrive ainsi à relier des grands standards du répertoire musical américain actuel dans une formule presque plus généreuse que celle de Post Malone, et peut-être moins aseptisée.
Pourtant très long, ce nouvel album Death Race for Love a de nombreux points forts, comme le titre hypnotique “HeMotions”, le sautillant “Feeling” ou les rock FM “Desire” et “Ring Ring”. Il prend ensuite le parfait contre-pied, en se durcissant et en tournoyant avec des rimes très actuelles sur “Syphilis”, “Out My Way” ou encore “10 Feet”.
Il se permet même de clôturer de la meilleure des façons avec le touchant “She’s the One” et surtout “Make Believe”, reprenant le sample du “Runnin'” de Pharcyde dans un tourbillon qui accélère le rythme cardiaque. Un futur tube planétaire.
En ne cessant de s’améliorer, Juice WRLD prouve qu’il n’est pas juste un parfait interprète mais qu’il est un grand artiste en devenir. Son directeur artistique chez Interscope considère qu’il a sorti son premier classique avec Death Race on Love, comme Reasonable Doubt pour Jay-Z ou Life After Death pour Biggie, le comparant ainsi à des légendes du rap.
Difficile de le dire pour le moment, mais il est possible que Juice WRLD soit plutôt un nouveau Justin Timberlake, traversant toutes les écoles et tous les styles, capable techniquement de pas mal de choses et façonnant son univers au fur et à mesure de ses albums, avec l’aide de producteurs de génie.