Une femme s’est filmée en caméra cachée en train de marcher dans les rues de New York. Dix heures de promenade, pour une centaine d’approches verbales. Un harcèlement de rue qui continue d’alimenter le débat et diviser les points de vue.
Un jour comme les autres, dans les rues New York. Une femme, vêtue d’un t-shirt et d’un jean noirs, marche, seule, dans les quartiers de Manhattan. Jusqu’ici, rien d’anormal. Jusqu’à ce qu’elle passe devant un groupe d’hommes assis sur le bord de la rue.
Soudain, l’un d’eux lui balance : “How you doing today?” (Que fais-tu aujourd’hui ?) Avant qu’un de ses amis n’enchaîne, face au mutisme de la jeune femme : “Smile!” (Souris !) Puis un autre : “I guess not good” (Je présume que c’est pas bon), puis une autre voix qui crie de nouveau : “Smile !”
C’est avec cette scène que débute la vidéo, qui démontre que le harcèlement peut se trouver à chaque coin de rue. Une caméra cachée, qui prouve encore une fois à quel point une femme qui se promène simplement dans sa ville peut essuyer d’approches, plus ou moins directes, plus ou moins déplacées… et ce, au quotidien.
Il aura suffi d’une caméra GoPro fixée au dos d’un complice, et d’une femme marchant discrètement derrière, sans dire un mot, pour faire tomber dans le panneau de nombreux hommes. Une centaine au total, durant la dizaine d’heures de marche de la “victime” dans les rues de New York. Soit dix par heure.
Une dizaine de personnes qui, à leur manière, ont tenté d’aborder leur “proie”. Des approches qui vont de la simple réflexion sur le physique de la personne ou autres sifflements, à un harcèlement plus poussé, comme cet homme qui n’hésite pas à d’abord lui parler puis à la suivre pendant 5 minutes, tentant vainement de lui arracher un mot, un numéro, une réponse.
“Je suis harcelée quand je souris et je suis harcelée quand je ne le fais pas”, a déclaré la jeune femme à la chaîne américaine NBC. “Pas un jour ne passe sans que je ne vive cela.”
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Une approche du harcèlement qui divise
Une étudiante belge avait réalisé une vidéo similaire dans un quartier populaire de Bruxelles. Ce type d’initiative peut diviser le public, tant au niveau du fond que de la forme, tant au niveau du contenu que de ce qu’il est dénoncé.
En effet, dans cette caméra cachée, les New-Yorkais croisés par la jeune femme ne franchissent pas tous la ligne jaune du harcèlement. Certains la complimentent, d’autres lui demandent, avec une approche non agressive, son contact pour la revoir, tandis que d’autres encore tentent de lui parler car elle leur plaît physiquement.
Parmi cette multitude de tentatives d’approche, il faut distinguer celles qui relèvent de l’agression verbale des autres. Il ne faut pas négliger les premières, car certains commentaires peuvent être qualifiés d’harcèlements, tout aussi bien qu’il faut souligner que d’autres réflexions ne franchissent pas la limite de l’agression. Mais tout cet ensemble de remarques redondantes, de la part d’inconnus, peut devenir vite insupportable pour celle qui les subit.
Face à cette situation, les avis sont tranchés. Certaines personnes n’hésitent pas à dédramatiser les faits ou pire, remettre en cause l’allure physique de la femme. De nombreux internautes se sont manifestés à ce sujet-là, réagissant, parfois brutalement et de manière sexiste dans les commentaires YouTube de cette vidéo :
Les filles sont habillées comme des salopes, par exemple cette jeune fille sur la vidéo, elle veut montrer son cul dans un legging, et puis elle se plaint de la façon dont les gars la regardent. Si vous ne disposez pas d’une Lamborghini garée à vos côtés vous ne pouvez pas regarder les filles au risque de leur manquer de respect. 70% des salopes comme celle-ci sont des chercheuses d’or, c’est un fait !
Le débat est ouvert, et d’autres tentent de remettre les choses au clair :
Comme si le harcèlement constant dans la rue ne suffisait pas, les commentaires sur cette vidéo devraient vous faire réfléchir sur combien nous avons besoin du féminisme. Pour les personnes qui commentent qu’elle aurait dû jouer la gentille et répondre derrière, laissez-moi vous poser deux questions :
1. Si vous êtes un homme, combien d’étrangers vous abordent dans la rue comme ça ?
2. Si elle avait répondu à l’un d’eux, que pensez-vous qu’il se serait passé ensuite ?
Des témoignages de harcèlements verbaux et physiques
Cette caméra cachée est à l’initiative du mouvement mondial Hollaback, dont l’objectif est de dénoncer le harcèlement de rue et d’y mettre fin. Selon ses études, confiées à NBC, 70% à 99% des femmes sont victimes de harcèlement de rue à un moment donné au cours de leur vie.
Des harcèlements qui donnent lieu à de nombreux témoignages, comme on peut le voir sur le site de Hollaback :
“Hey mademoiselle ça va, tu veux pas venir faire un tour?” Je remets mon écouteur et accélère le pas. Le type au volant accélère aussi pour se remettre à mon niveau. “Hey mademoiselle je te parle!” Le ton est monté d’un cran, je fais demi-tour et me dépêche de regagner la rue Bannier. Je sais que la rue est trop étroite pour qu’il puisse faire demi-tour et qui plus est à sens unique.
Beaucoup d’hommes à qui j’en parle ne comprennent pas, pour eux tant qu’il n’y a pas d’agression physique ça n’est pas grave.
Et les agressions physiques peuvent à tout moment se produire, comme le raconte une autre victime :
Les rues sont désertes, mais il fait jour, j’ai les écouteurs dans les oreilles et je ne me sens aucune raison d’avoir peur.
Soudain, je sens quelqu’un qui me porte à moitié, qui soulève ma jupe, qui tripote mon shorty pour rentrer ses doigts dans mes fesses. Ça se passe tellement vite que j’ai à peine le temps de comprendre ce qu’il se passe. Je me mets à hurler, ça s’arrête. Je me retourne et je vois un homme de dos avec une capuche qui s’enfuit.
Ces types de cas sont multiples, et montrent à quel point une femme peut rapidement se retrouver en danger, démunie, prise par surprise. Des situations qui peuvent rapidement dégénérer.
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