Décapant, corrosif, ciselé, absurde, subversif… On utilise souvent ces qualificatifs pour décrire des spectacles de stand-up réussis. On ne va pas s’en priver car cela correspond totalement à la performance scénique de Guillermo Guiz et à l’humour qu’il affiche dans ses chroniques sur France Inter.
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Guy Verstraeten, de son vrai nom, vient de Bruxelles, et plus précisément d’Anderlecht. Il se rappelle qu’il y avait dans cette commune de la capitale une statue de Jean-Claude Van Damme et que dans les églises, on portait des Crocs. Mais contrairement à ce qui est énoncé dans Dikkenek par François Damiens à l’intérieur des abattoirs d’Anderlecht, l’humoriste ne fait pas partie du “fond du panier”. Il a à peine la trentaine mais a déjà eu plusieurs vies : ancien espoir de foot, directeur artistique d’une boîte de nuit puis journaliste ; c’est aussi cela qui a enrichi son humour. Il n’est pas vraiment charmant, contrairement à ce que le titre du spectacle indique (Guillermo Guiz a un bon fond), il est juste ce qu’il faut acide et méchant pour être drôle. Guillermo Guiz fait partie de cette vague d’humoristes belges qui ont beaucoup d’autodérision et semblent n’avoir aucun tabou. Il se moque volontiers de lui, de son enfance, de sa famille, de son pays. Cela s’étend des petits travers à la lâcheté et la faiblesse inhérentes à la nature humaine.
Les singularités de ce jeune Belge peuvent néanmoins le distinguer d’autres humoristes de sa génération. Déjà, il n’y a pas de politique dans son spectacle, si ce n’est une allusion au conflit israélo-palestinien, pour la petite caution engagement, comme il l’avoue lui-même. Il excelle plutôt dans les punchlines, les vannes et les histoires délirantes sur des sujets qui pourraient faire la une du Nouveau Détective. Il se lâche sur le terrorisme, le viol, le racisme, la zoophilie, la drogue, les handicapés, la pédophilie… Tous les sujets sensibles et épineux, il y va – pour notre plus grand plaisir. Le plus drôle est lorsqu’il ne fait preuve d’aucune retenue (il regrette notamment que “la Belgique soit désormais plus connue pour le terrorisme que pour la pédophilie”). Il n’a pas non plus peur de foncer dans le tas et de parler de drogue, de sexe… Bon en revanche petite faiblesse, il n’y a pas de rock’n’roll.
Ses influences
On sent que Guillermo a été nourri à l’humour belge, forcément, avec cette façon de toujours se moquer de tout avec un détachement si particulier. Mais on pense aussi au stand-up américain, notamment Louis C.K. sur scène ou dans ses histoires de lose racontées dans la série Louie. Un petit côté Vincent Dedienne aussi pour l’introspection et le goût de l’absurde.
Il n’a pas vraiment l’humour estampillé France Inter, ses blagues ne sont pas engagées et n’ont pas de prise avec l’actualité politique (comme une Sophia Aram ou une Nicole Ferroni). Ça nous fait oublier pendant quelque temps les échéances présidentielles qui se profilent et les magouilles en tout genre des gens de pouvoir. Il ridiculise aussi les bobos et leur passion ridicule pour les cupcakes. Tout le monde en prend pour son grade et avant tout les Belges, qui comptent pourtant de brillants humoristes dans leurs rangs.
Surtout, Guillermo Guiz s’amuse à prendre les clichés et à les détourner, à les tordre. Il met sa verve et son charisme (on peut le dire, l’accent y est peut-être pour quelque chose) au service de questions métaphysiques ou même aberrantes : “Qui aime le plus les animaux, finalement : les zoophiles ou les chasseurs ?”
Guillermo Guiz est un humoriste à suivre et il risque d’avoir une belle carrière, allez-y pour le voir encore à ses débuts et dans une salle presque intimiste. Mention spéciale à Charles Nouveau, sa première partie. Sa comparaison entre “le réchauffement climatique et un chien qui lècherait des couilles” reste longtemps en mémoire, il faudra aller le voir pour comprendre…
Guillermo Guiz a un bon fond, les mercredis à 21 h 15, au Point-Virgule (Paris, 4e).
Retrouvez sa chronique La Drôle d’humeur de Guillermo Guiz, le vendredi à 11 h 20 sur France Inter.