Fuzati : une identité remarquable

Fuzati : une identité remarquable

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Crédit Photo – Laurene Berchoteau

DANS LA MACHINERIE FUZATI

J’ai fait mon éducation musicale tout seul. À 7 – 8 ans la radio est devenue mon lien avec l’extérieur, étant un garçon solitaire. Et quand j’ai découvert le hip-hop, c’est cet aspect beatmaking et pas du tout “rap” qui m’intéressait. Et dès que le hip-hop a commencé à sampler du jazz, dès 1991-1992, je me suis acheté une platine pour avoir les instrus, les face B et tout ça.

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Pour le reste, c’est uniquement après avoir signé son premier deal chez Records Makers que Fuzati a pu s’acheter une MPC. Et s’engager vers une jolie carrière de compositeur.
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Plusieurs projets, plusieurs couleurs, plusieurs manières de faire. La production n’est pas une science exacte et à chaque disque correspond un “protocole”. Si pour le Klub des Loosers l’homme au masque blanc recherche la chaleur pour contrebalancer l’amertume des textes, au Klub des 7 correspond une toute autre approche. Extrait de l’entretien et détails de  la “machinerie Fuzati” côté rap :

Sur le Klub des Loosers il y a eu deux albums. Pour le premier j’étais déjà à fond dans le beatmaking mais je n’avais pas encore de MPC. À l’époque, je suis arrivé chez James Delleck qui était un peu le réalisateur de l’album et je lui disais, “tiens cette boucle là, il faut qu’on la prenne”, et je me servais plus de ces machines. Sur le deuxième Klub des Loosers, j’ai vraiment tout fait tout seul et il y a aussi des parties jouées ce qui n’était pas le cas avant. Pour le Klub des 7 c’était autre chose, un album plus péchu, plus loin de mes thèmes, un disque pour que ça kick en fait.

Pendant de la prose pour le Klub des Loosers, la musique parle d’elle même pour tout un autre pan du travail de Fuzati. “La musique, parfois, est un art qui transcende la parole” disait Herbie Hancock. Une référence qui lui aurait plu, j’en suis sûr. Une idée qui colle finalement à sa manière de créer sur Last Days, le dernier Klub des Loosers :

Dans Last Days, c’est l’histoire d’un mec qui est obsédé par la musique, qui vit reclus dans son hôtel, qui tombe amoureux de sa logeuse, qui prend beaucoup de drogues et qui finit par en mourir. Et c’était pas très loin de ma propre vie finalement. Je vivais pas à l’hôtel, je prenais pas mal de trucs et je faisais beaucoup de musique.


De l’enchaînement des titres et de l’utilisation habile d’interludes nait une narration. Dire des trucs avec des notes, mais aussi rendre hommage à une période révolue. Last Days c’est les années 80, des synthés aux grains chauds, une sorte de testament musical :

J’ai été enfant dans les années 90, et donc j’ai été inspiré par tout ces sons beaux et tristes qu’il y avait dans Capitain Flam, Albator : ce jazz funk, ces synthés avec un grain hyper chaud, et des ambiances qui te mettent un peu mal à l’aise. Et c’était un peu l’idée avec Last Days en fait. C’était un hommage à tout ces trucs là, au Mini Moog notamment.

LA MUSIQUE EN BLOC

Mais le MC / Beatmaker fait aussi d’autres choses. Des DJ sets, les “Fuzati Extraodinary Show”, des sélections de ses titres préférés avec les Broadcast Sessions“J’écoute de bons disques alors j’en ai fait un truc. Ça ne va pas plus loin que cela” explique t-il. Et on s’étonne une fois n’est pas coutume de son altruisme. Peut être que l’on ne l’a pas bien compris.

Ce qu’on n’a pas perçu c’est le fait que tout est mêlé. Digger, producteur, écrivain, Fuzati produit de la musique, noircit des portées et façonne des rimes comme Sartre “pissait de la copie”. Comme un truc vital, quelque chose qu’il ne peut pas s’empêcher de faire :

Je ne me pose pas forcément la question de l’équilibre entre les différentes parties de mon travail. Disons que je produis de la musique en permanence. C’est un processus constant : parfois j’écris du rap, parfois j’écris de la poésie, parfois j’écris des petites nouvelles. Parfois ça sort, d’autres fois non.

Et après avoir épuisé le statut de la production instrumentale, on avait quelques questions à lui poser sur l’écriture.
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D’abord le commencement :

J’ai commencé à rapper vers 16-17 ans. J’ai toujours pas mal écrit : des nouvelles, de la poésie, des rimes. Et au final le rap ce n’est qu’un aspect de ma production.

Pour le reste c’est une prose existentialiste que développe le MC. La vie doit couler pour nourrir son écriture. Et pour le prochain opus rappé du Klub des Loosers, sur lequel il travaille actuellement, il ne dit mot. Ou presque :

Le prochain album ne fera pas partie de la trilogie mais mettra en scène le personnage dans des différentes situations. Ce que je peux dire c’est qu’il n’y aura rien de samplé et que ce sera un album hyper live. Tout va être joué.

LES RACINES DE L’IDENTITE REMARQUABLE

S’il y a truc qui frappe dans cette rencontre avec Fuzati c’est une dissonance que l’on n’avait pas perçue. Si de la glace coule dans ses veines, si l’amertume est au fond de sa gorge, il y a un aspect de sa personnalité qui outrepasse la misanthropie qu’il aime afficher à tout va. Son amour de la musique.
Et pour un mec qui clamait il n’y a pas longtemps “qu’il y a que dans les crématoriums que l’on trouve de la chaleur humaine”, les disques sont comme une échappatoire. Et à l’orée de ce nouveau constat tout s’explique.
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D’abord le fait de s’absenter pendant longtemps histoire de faire les choses proprement mais aussi une posture que certains qualifient “d’esthète”. Fuzati c’est un juste un gars anachronique, à qui les orientations actuelles de la musique ne font ni chaud ni froid.

On est arrivé à un moment où la technologie fait que tout le monde a les mêmes plug-ins. L’histoire de la musique a toujours été influencée par l’invention de nouveaux instruments. Et aujourd’hui le problème c’est qu’il n’y a plus de nouveaux instruments. La différence se fait uniquement dans le grain. (…) J’écoute de la musique des années 60-70 pour retrouver cette chaleur. Ce qui se fait aujourd’hui c’est parfait pour soulever de la fonte, conduire un 4X4 ou aller en club. Moi je ne pratique aucune de ces activités donc ça ne me parle pas.

Puis sa volonté de continuer à travailler. Pour que la musique reste avant tout un plaisir et pas un gagne-pain. Pour que la composition ne soit pas parasitée par ce qu’il y a de plus “débectant” dans l’industrie du disque.

Les gens ont tendance à penser qu’il n’y a qu’un modèle quand t’es musicien : faire des tournées, être disque d’or etc. Tout dépend de ta musique. Moi je sais que j’ai une musique qui n’est pas mainstream et donc je me suis rendu compte que si je voulais continuer, signer sur une major qui met de l’argent sur toi, faire de la radio, ce n’était pas quelque chose de possible pour moi. J’avais pas envie d’avoir ce rapport là à la musique. Je veux que la musique reste un plaisir. Même s’il y a toujours des moments chiants. C’est un modèle qui me convient à moi.

Et l’intéressé de conclure l’entretien :

C’est pas une posture ma misanthropie, j’arrive pas à faire des compromis. Tu en fais toute la journée pour diverses raisons. Avec ma musique je veux pas en faire.

EPILOGUE