UN ALBUM AVEC DES TITRES DE CHANSONS EN MAJUSCULES, COMME ÇA, PARCE QUE LE MEC EST TROP VÉNÈRE.
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Personnage plus que contestable dans le rap game, Tekashi 6ix9ine est au fond du trou – littéralement. Alors que son nouvel album devait paraître vendredi dernier, le jeune rappeur multicolore a décalé la date de sortie du projet, à la suite de son arrestation qui pourrait lui valoir la perpétuité derrière les barreaux. Rappelons au passage que le garnement est soupçonné d’appartenir au gang Nine Trey, une branche des célèbres Bloods. Mais en attendant son procès qui se tiendra en septembre 2019, 6ix9ine a eu la mauvaise surprise de découvrir ce week-end que son DUMMY BOY a fuité sur Internet… depuis son propre site. Les mauvaises langues diront que c’est le karma.
L’homme aux innombrables tatouages “69” et son équipe ont donc finalement décidé de mettre cet album sur les plateformes de streaming mardi 27 novembre – le manque à gagner devait être important. Il faut dire que ce disque était très attendu, tant à cause de la popularité du bonhomme que pour son casting cinq étoiles. Treize titres pour 34 minutes d’écoute, soit quasiment le même calibrage que son projet précédent, Day69: Graduation Day, paru en février dernier et plébiscité par les auditeurs. Le garçon semble avoir trouvé la formule.
On peut entendre le Canadien Tory Lanez et A Boogie wit da Hoodie, déjà présents sur le précédent album. On retrouve également les désormais inséparables Gunna et Lil Baby (qui ont sorti le très bon Drip Harder ensemble le 5 octobre dernier). Mais, surtout, Kanye West et Nicki Minaj ont été invités à deux reprises. Et rien que pour ça, on va écouter DUMMY BOY.
Fidèle à lui-même, le rappeur new-yorkais conserve ce style très agressif qui le caractérise bien sur des grosses prods. Une violence qui imprègne le projet, ne serait-ce que dans la typographie de l’album donc, avec des titres en majuscules et des fautes d’orthographe (il a fait une fôte à “STOOPID”, par exemple), parce que c’est trop cool d’être un gogol. Bref.
La cover illustre très bien son état d’esprit : il a décidé de pisser sur le rap game et se fiche d’à peu près tout. Quelle insolence. Ça flingue à tout va, ça hurle à pleins poumons, et ce dès le premier morceau avec Bobby Shmurda (le fameux “STOOPID”). Il faudra attendre la onzième piste pour l’entendre seul, tellement le nombre de guests est important. Et vu la gueule du morceau (“WONDO”), c’est peut-être pas plus mal qu’il ne fasse que des featurings.
Le disque se tient surtout grâce à ces collaborations, mais il y a d’autres bonnes choses. Comme lorsqu’il rappe plus en douceur (“MAMA”), au lieu de gueuler à s’en déchirer les tympans. Force est de reconnaître qu’il y a du progrès dans ce domaine, avec un meilleur équilibre que sur Day69: Graduation Day.
Les amateurs de musique latine kifferont également les deux titres au milieu du projet avec Anuel AA, un rappeur portoricain très populaire. Un moyen pour Daniel Hernandez de son vrai (eh oui, il ne s’appelle pas vraiment 6ix9ine) de renouer avec ses origines, son père étant portoricain. Une collaboration qui offre une sorte de pause exotique bienvenue grâce aux titres “BEBE” et “MALA”. Même si on fait quand même le grand écart auditif avec les autres pistes.
Puis ça repart direct au quart de tour avec “KANGA”, en featuring avec Kanye West. Et c’est… la déception. Yeezy ne pousse la chansonnette que quelques secondes, tandis que ce bon vieux Tekashi balance des flows qu’on a déjà pu entendre dans son “Aulos Reloaded” en compagnie du très bon Vladimir Cauchemar. Pour bien comprendre, le mec se fait des références à lui-même alors qu’il a sorti une heure de musique dans sa carrière. Bref, niveau inspiration on repassera.
Mais DUMMY BOY a quand même son lot de bonnes surprises, comme le très cool et joli morceau “FEEFA”, en compagnie de Gunna. “DUMMY”, outro de l’album avec TrifeDrew, présente des sonorités beaucoup plus musicales et aériennes que les autres tracks. Que ça fait du bien après une demi-heure d’une telle intensité ! Parfait pour finir sur une bonne note, même si on ressort quand même lessivé de l’écoute.
C’est finalement tout le paradoxe d’un gamin excentrique qui rêve de licornes et d’arcs-en-ciel, mais qui dans les faits agresse sexuellement des gamines, vend de la merde à des camés (héroïne et fentanyl par exemple) et participe à des fusillades. On retrouve cet aspect dans la musique de 6ix9ine. Comme s’il ne pouvait pas s’empêcher de basculer du mauvais côté et de faire des conneries, il est obligé de verser dans la violence à outrance. N’est-il pas finalement le fruit pourri de son époque ?
Car il est avant tout un reflet de la société occidentale contemporaine, avec son insolence et son animosité exacerbées, cette obsession pour les armes et la drogue. Ce n’est pas un hasard s’il cumule des centaines de millions d’écoutes avec un tel discours. Sa vie ressemble davantage à de la téléréalité qu’à celle de centaines de millions de personnes. Daniel Hernandez se rapproche plus d’un influenceur que d’un artiste. Le buzz des clashs à répétition a pris le pas sur la musique. À l’image de sa génération, il mord dans la vie à pleines dents, qu’importent les conséquences. Mais que reste-t-il à la fin ?
Fondamentalement, cela ne fait que depuis un an que 6ix9ine existe véritablement sur la scène rap US (grâce à son tube “GUMMO”). Mais vu les sales draps dans lesquels il s’est fourré, Tekashi pourrait disparaître presque aussitôt. 6ix9ine n’est qu’un produit marketing fulgurant, qui a repoussé les limites de la “fast life”. L’étoile filante la plus rapide du show-business, la comète la plus éphémère du star-system.